Accueil BIEN commun Les taureaux de Lascaux vont partir en voyage

Les taureaux de Lascaux vont partir en voyage

Les panneaux, ici celui de la licorne, seront raccordés pour former la rotonde
Les panneaux, ici celui de la licorne, seront raccordés pour former la rotonde © H.C.
L'ART DE LA RÉPLIQUE. La reproduction de la fresque préhistorique la plus connue au monde, réalisée par l’Atelier des fac-similés du Périgord, à Montignac-Lascaux, sera la vedette de la nouvelle exposition itinérante Lascaux 3.

Touche par touche, millimètre par millimètre, les peintres reconstituent d’immenses aurochs et un cortège d’animaux sur un puzzle géant à l’aspect rupestre. En noir, rouge et ocre, ils dessinent la fabuleuse sarabande âgée de 20 000 ans qui a fait la célébrité de la grotte préhistorique de Lascaux, découverte en 1940 sur une colline du village de Montignac dominant la rivière Vézère.

Nous sommes à l’AFSP, l’atelier des fac-similés du Périgord, à quelques centaines de mètres du site d’origine. Un nouveau projet s’y prépare : la nouvelle version de l’exposition internationale Lascaux 3. La première a déjà fait un tour du monde depuis 2013, en attirant plus de deux millions et demi de visiteurs autour de la reproduction de peintures et d’objets préhistoriques de la célèbre grotte.

Une brillante équipe

Dans l'atelier les peintres sont au plus près des parois
Dans l’atelier les peintres sont au plus près des parois © H.C.

Le travail, lancé à l’automne en réutilisant les moules des parois de Lascaux 4, est très bien avancé en mai pour l’équipe. Valérie Mathias fignole l’énigmatique Licorne qu’elle connaît depuis longtemps, alors qu’un peu plus loin, Margherita Occipinti travaille une vache rouge protégée par le plus imposant des six taureaux. Beth O’Reilly, allongée sous une autre paroi, se confronte au grain de la pierre reconstituée. Aurelia Teixeira autre vétérane de l’équipe et Olivier Surroca, ont laissé ce jour-là reposer couleurs et pinceaux. Nikita Dos Santos se charge de finir l’envers du décor, alors que Thierry Laurent et Alan Bolle, deux piliers de l’entreprise, rénovent la scénographie.

Des années d’expérience depuis Monique Peytral

L’équipe permanente de l’AFSP, aujourd’hui coordonnée par Gilles Lafleur, renforcée par des artistes embauchés pour cette opération, applique ici un savoir-faire mis au point durant des années à Montignac. L’histoire a débuté dans les années 1970 avec la peintre décoratrice Monique Peytral qui avait relevé le défi de réaliser une copie fidèle de la grotte de Lascaux, fermée en 1963 pour raisons de conservation.

La précision des détails et des couleurs est ici obtenue grâce aux projections d'images en haute définition
La précision des détails et des couleurs est ici obtenue grâce aux projections d’images en haute définition © H.C.

Au fil des années et avec les apports de nombreux artistes et techniciens, les techniques de réalisation de fac-similés en trois dimensions se sont affinées. D’abord avec Lascaux 2, ouverte en 1983 avec seulement deux des espaces reproduits (la salle des taureaux et le diverticule axial). Ce fut ensuite la première exposition itinérante Lascaux 3 lancée en 2012, avec uniquement des panneaux de la nef et du puits, avant la reproduction quasi complète de la grotte décorée pour Lascaux 4, ouverte en 2016 (il n’y manque que le lointain cabinet des félins).

Laser et numérique

Gilles Lafleur coordonne toutes les activités de l'atelier, comme ici la partie de reproduction d'objets souvenirs
Gilles Lafleur coordonne toutes les activités de l’atelier, comme ici la partie de reproduction d’objets souvenirs © H.C.

Aujourd’hui, la reproduction d’une grotte ornée s’appuie sur des relevés des parois au laser et des photos numériques de très haute définition, offrant une fidélité des reliefs, des dessins et des couleurs. La technologie permet de façonner des moules très précis pour y couler des parois à base de résines et de minéraux, qui donnent l’illusion de la véritable pierre. Mais l’œil et la main des peintres sont toujours indispensables pour reproduire au millimètre les dessins et les couleurs des artistes de la préhistoire.

Bordeaux avant Valence et Chicago

L'arrière des fac-similés avec les liaisons entre panneaux et les accrochages est préparé avec soin
L’arrière des fac-similés avec les liaisons entre panneaux et les accrochages est préparé avec soin © H.C.

Cette version 3 bis va présenter sur 16 mètres de long la fameuse salle des taureaux comme si on était à l’entrée de la véritable grotte, avec sa cavalcade d’animaux dominée par des aurochs géants. Composée de 11 morceaux assemblés après un voyage en conteneurs, elle redonnera un nouveau souffle à cette exposition itinérante en présentant cette pièce majeure.

Elle sera dévoilée en primeur sur les quais de Bordeaux, du 16 juin au 31 août au centre Cap Sciences, avant de partir à Valence en Espagne puis à Chicago aux États-Unis. « C’est comme si on amenait la Joconde se balader à travers le monde », sourit André Barbé, à la fois directeur général des sites touristiques de la Semitour Périgord, de l’AFSP et l’exposition Lascaux 3.

Musées sans frontières

La taille des panneaux avec les taureaux géants est imposante
La taille des panneaux avec les taureaux géants est imposante © H.C.

Cette remise à neuf de l’exposition internationale lancée par Olivier Retout, qu’anime désormais Nathalie Grenet, intéresse déjà des musées de partout. La salle des taureaux est connue dans le monde entier où elle figure dans les livres d’histoire et d’histoire de l’art. Elle circulera avec quelques-uns des panneaux de l’exposition précédente, essentiellement l’énigmatique scène du puits, peut-être le premier récit romanesque de l’humanité, avec son homme à tête d’oiseau renversé par un bison blessé, non loin d’un rhinocéros placide.

Des casques de réalité virtuelle permettront toujours de circuler dans la grotte. Des documents historiques et scientifiques, des objets préhistoriques, complèteront cette présentation à la fois spectaculaire, muséographique et pédagogique.

Entreprise du patrimoine vivant

Préparatifs et remise en état de l'exposition pour sa nouvelle version
Préparatifs et remise en état de l’exposition pour sa nouvelle version © H.C.

Cette nouvelle tournée mondiale qui s’annonce devra redonner à Lascaux sa place dans le circuit des grandes expositions internationales. C’est le pari fait par les initiateurs de cette nouvelle version dont le but est toujours et aussi de donner envie de venir au pays de la Préhistoire, à Montignac-Lascaux en Périgord.

Pour le transport chacun des 11 panneaux est monté sur un support articulé
Pour le transport chacun des 11 panneaux est monté sur un support articulé © H.C.

À l’AFSP, le coordonnateur Gilles Lafleur rappelle que cette exposition est aussi une vitrine du savoir-faire local, l’atelier ayant déjà été labellisé par le ministère de l’Économie et des finances, entreprise du patrimoine vivant. Il a déjà réalisé tous les fac-similés de Lascaux, mais également des panneaux de la grotte de Cussac au Buisson, pour la grotte de Niaux en Ariège et d’Ekain en Pays basque espagnol. Il a aussi fabriqué des fac-similés de sculptures du XVIe siècle exposées au Metropolitan museum de New York, pour les replacer dans la chapelle du château de Biron dans le sud Dordogne, d’où elles sont issues avant d’avoir été vendues à des Américains.

L’atelier a aussi reproduit des fresques de la danse macabre de l’abbaye de La Chaise-Dieu en Haute-Loire ainsi que des copies de manuscrits enluminés pour les archives départementales du Loiret. Lascaux mène à tout.

Les souvenirs des boutiques

L'atelier fabrique aussi des petites séries de souvenirs
L’atelier fabrique aussi des petites séries de souvenirs © H.C.

En périodes de vaches maigres, quand l’AFSP n’avait plus de grosses commandes de fac-similés, une nouvelle activité de fabrication d’objets souvenirs y a été lancée. André Barbé, le directeur général de la Semitour, est un ardent défenseur de belles boutiques pour les lieux touristiques et les musées, pour y vendre des livres de références ainsi que des objets originaux.

Le savoir-faire de reproduction s’ajoute à l’investissement en grosses machines d’impression à jets d’encre sur toutes surfaces avec possibilité de relief. De quoi produire de petites séries de magnets ou d’objets décoratifs qui ont l’intérêt d’être Made in France, et que l’on trouve évidemment dans les boutiques des sites de la Semitour. L’AFSP fabrique aussi des trophées avec de la pierre et du métal découpé chez un prestataire spécialisé, au Bugue.