Accueil BIEN aimé De “Looking for Sapiens” à ”Dames et princes de la préhistoire”

De “Looking for Sapiens” à ”Dames et princes de la préhistoire”

(Épisode 3) Elles font l’art en Nouvelle-Aquitaine, et d’abord en Dordogne. Isolées, le plus souvent, tout-entières tournées vers leur passion, rarement en capacité de partager avec d’autres créatrices de tous horizons culturels... Des déjeuners à haute voix ont l’ambition de les réunir pour échanger sur leur métier et leur quotidien, à l’initiative de Véronique Iaciu.

Début de l’article + épisode 2.

Pour cette édition du Périgord noir, Karol Beffa improvisera en direct sur deux films muets, au cinéma Vox de Montignac, samedi 7 août, à 17h. La réalisatrice Pauline Coste y est invitée pour parler de son documentaire, Looking for Sapiens, lauréat de nombreux prix, et de son nouvel opus, Dames et princes de la préhistoire (à ne pas manquer sur Arte ce 19 juin) avec une avant-première à Montignac le 17 juin. Pauline Coste y secoue les idées reçues sur les femmes de la préhistoire. À partir de sépultures exceptionnelles, elle s’interroge sur le statut de ces individus.

Pauline Coste, un regard sur la préhistoire et le Périgord © S.B.T.

Pauline a fait des études de cinéma et a doublé son parcours, entre 2013 et 2016, d’un cursus préhistoire avec un master 2 pour conforter ses connaissances autodidactes. Elle vit enfin de ses films depuis cette année : pour la première fois, ses documentaires ont été commandés par deux chaînes, Arte et France 3. Intermittente du spectacle de 20 à 35 ans, à Paris, elle est passée d’un statut de technicienne à celui de réalisatrice. Difficile de sortir de sa “case” d’origine… les femmes sont plus présentes en documentaires qu’en fiction, « caméras moins imposantes, budgets aussi » constate-t-elle. En donnant des cours dans les écoles de cinéma, elle a vérifié un effectif homme-femme 50/50 et, comme partout, une différence entre le bas et le haut de la pyramide.

La Dordogne correspond à davantage de facilité pour aménager sa vie et sa carrière, elle y a rencontré son compagnon et y est établie depuis 2015. « Ça commence à aller mieux parce que mon premier film a bien marché : vivre à Paris n’y aurait rien changé. » Un constat reste identique en ville ou à la campagne : on fait moins de choses avec des enfants. « C’est quand même un autre parcours quand on doit aussi accompagner sa famille dans la vie, souligne Véronique, c’est une transformation. »

Pauline, six documentaires, trois courts-métrages

© Dames et princes de la préhistoire

Si des hommes s’investissent à première vue bénévolement, ils en attendent malgré tout un retour en image, en réseaux, en pouvoir… Ce tour de table montre que beaucoup de femmes agissent moins par intérêt personnel ou contrepartie. Elles peuvent décider de vivre leur passion et rien d’autres, ou de donner du temps pour une cause, même des choix avec désavantage financier. Les femmes se paient volontiers en retour par de riches interactivités.

Là encore, un constat structurel s’impose : elles ont pris l’habitude de tout faire en même temps, condition maternelle oblige. « Mes filles me font remarquer que la culture est chronophage, bien sûr puisque c’est un métier passion, hélas pas rémunéré à la hauteur du travail réalisé », note Véronique. Pauline a aussi fait son choix par intérêt, par intérêt personnel s’entend. « Je ferais la même chose si c’était gratuit, ajoute Pauline. Ce qu’on traverse avant d’en vivre est difficile, obtenir l’autonomie sur de gros budgets est rare. Je constate que les femmes s’autolimitent au nom des contingences. Une étude récente montre qu’un homme postule à une offre s’il a 30 % des compétences demandées, les femmes mettent la barre à 70 % pour s’assurer, se rassurer. »

Pauline a passé quatre ans sur Looking for Sapiens et, à la sortie, s’est retrouvée en présence quasi exclusive d’hommes lors d’un festival scientifique, 4 femmes sur 60 réalisateurs. Quand elle explique l’organisation nécessaire quand elle part deux mois en tournage (en rentrant le week-end) pour que tout se passe au mieux avec ses trois enfants, malgré les solutions trouvées et la charge mentale encaissée, on comprend mieux le choc des chiffres. Un père en pareil déplacement se préoccupe rarement d’une telle intendance.

Ainsi ces créatrices se sont-elles livrées à l’occasion de ce premier déjeuner à haute voix, qui préfigure d’autres témoignages croisés au fil des rencontres prévues en Périgord jusqu’à l’édition 2022 du festival du Périgord noir.