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Un secret bien gardé

Sur un des panneaux exposés à cette occasion, le groupe des élèves pose devant le château des Balans où avaient été installé le Préventorium des Fougères ©Hervé Loubet
MÉMOIRE. Brantôme : à l’occasion du concours national de la résistance et de la déportation, des élèves de 3e du collège Aliénor d’Aquitaine ont révélé l’histoire d’un couple qui a transformé le Préventorium des Fougères en un lieu où ont été cachés des enfants juifs et des résistants pendant la Seconde Guerre mondiale. Cette histoire a mis plus de 60 ans pour être connue de tous.

La Dordogne a été un département secoué durant la Seconde Guerre mondiale. On croyait avoir tout su de cette époque, mais il existe des secrets que l’on découvre par hasard ou plutôt par chance, pour celui-ci. Combien ne seront jamais révélés ?

Chaque année, le concours national de la déportation et de la résistance est ouvert aux élèves de 3e de nos collèges français. Le collège Aliénor d’Aquitaine y participe grâce à l’investissement de ses professeurs d’histoire, Pierre-Hugues Baïs et Léo Le-Bris. Lauréate lors des années précédentes, l’équipe enseignante a su inspirer 10 élèves volontaires pour se lancer dans le projet de cette année.

« L’histoire ne m’a été apprise par les enseignants qu’il y a peu de temps, je suis directrice de cet établissement de soin et de rééducation depuis plusieurs années et je n’en savais rien, d’ailleurs personne n’en a rien su durant plus de 60 ans. Les secrets savent être bien gardés ici ! » Delphine Frémont, directrice de la SMR Clinique Pierre de Brantôme.

Un livre inspire ces jeunes à participer à un concours

Arthur, Ayla, Delia, Elsa, Inès, Jean, Jenna, Loëlie, Lucie et Timothée se sont portés volontaires pour élaborer le projet de cette année, qui s’adapte pleinement au thème. En partant d’une histoire oubliée, les élèves ont découvert l’aventure vécue par Armand, et racontée par Hélène Braun, son épouse, dans leur livre “Le souffle des enfants” paru en 2017 aux éditions Secrets de pays.  

« Avec mon collègue professeur d’histoire lui aussi, nous avons proposé à nos élèves (3 classes de 3ème) de s’investir autour du thème de cette année : « Résister à la Déportation en France et en Europe ». Les 10 volontaires ont dû mener leur enquête qu’ils vont restituer à l’occasion de ce concours », Pierre-Hugues Baïs, enseignant.

Alors que la France est envahie et que les Alsaciens et Lorrains se réfugient en Périgord, le régime nazi fait la chasse aux Juifs. À Brantôme, Pierre et Marguerite Bouty, installés dans le château des Balans en 1936, ont accueilli dans leur préventorium des Fougères de nombreuses personnes qu’ils cachaient là : des résistants, des familles juives, et des enfants. Le stratagème consistait à leur fournir des certificats médicaux de complaisance délivrés par les médecins : Léon Rubin (déporté et mort en 1943) et le docteur Weil, deux médecins juifs, ainsi que le Docteur Devillard, maire de Brantôme. La peur de la contagion a rebuté les soldats allemands, qui ne sont donc pas venu fouiner là. À la fin de la guerre, un seul constat : ils avaient sauvé plus de 33 enfants et de nombreuses autres personnes. 

Copie d’écran de la publication sur Instagram du Comité Yad Vashem – Institut international pour la mémoire de la Shoah ©Hervé Loubet

« L’histoire ne se termine jamais ! On découvre des petites actions qui sont restées secrètes. Aujourd’hui c’est moins sûr à cause des réseaux sociaux », Elsa.

Un couple très discret honoré “Juste parmi les Nations”

Le travail des 10 élèves a mis en lumière la force de caractère du couple Bouty qui est venu de Limoges s’installer ici. Les deux époux sont ensuite repartis après la guerre dans leur ville, où ils sont morts dans les années 50. Rien n’a transpiré de cette histoire bienveillante. Les voisins du château et même le fermier du domaine ignoraient l’origine juive des pensionnaires. Les 10 jeunes ont pu échanger avec les résidents de la clinique Pierre de Brantôme et y découvrir que la mère d’une des employée avait travaillé à l’époque au préventorium. 

« Pierre et Marguerite étaient discrets, secrets. Ils ont fait ce qu’ils pensaient être juste pour aider des enfants de l’âge des leurs. D’ailleurs, leur fils est mort à cause de la tuberculose à cette époque ». Lucie

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Un concours national pour perpétuer la mémoire

« Ensemble, nous avons mené ce projet inspirant. Nous étions à la découverte de notre histoire. Nous voulions montrer à tout le monde ce qui s’était passé à cet endroit ». Delia

Ces échanges entre générations et au contact de l’histoire ont abouti à une présentation de leur dossier pour le concours, le 14 mars, devant un public imposant. Leur équipe avait produit des panneaux explicatifs, et présenté le projet façon exposé, puis au travers d’une chanson créée exprès. Ce fût l’occasion d’inaugurer le parcours de promenade de l’établissement “Parcours Pierre et Marguerite Bouty”. Une juste reconnaissance pour ce couple.

« Notre dossier est en lice pour le concours. S’il fait partie des 3 premiers de la région, nous irons le présenter à Paris. Ça serait bien pour notre équipe », Léo Le-Bris, enseignant.

Les élèves inaugurent le parcours Pierre et Marguerite Bouty ©Hervé Loubet

Le bâtiment de la clinique va désormais retrouver sa quiétude avec une part de l’Histoire à mettre en avant. La clinique maintient sa vocation initiée il y a presque 100 ans par Pierre et Marguerite Bouty : accueillir.

 

Hervé LOUBET

Coordonnées

https://www.clinea.fr/clinique-pierre-de-brantome-24

Le Concours National de la Résistance et de la Déportation (CNRD)

C’est un concours scolaire organisé chaque année en France depuis 1961, destiné aux élèves de troisième (parfois également aux CM2 et aux lycéens). Son objectif est de promouvoir la transmission de la mémoire de la Résistance et de la Déportation, ainsi que les valeurs de liberté, de démocratie et de citoyenneté.

Sur les conseils et l’appui de leurs enseignants, les élèves participants sont invités à réaliser des travaux individuels ou collectifs (essais, dossiers documentaires, créations artistiques, etc) portant sur un thème spécifique défini pour chaque édition du concours. Ce thème varie d’une année à l’autre et peut porter sur des sujets tels que la résistance intérieure en France, le rôle des femmes dans la Résistance, les camps de concentration, et bien d’autres. Pour l’année scolaire 2023-2024 le thème était :  « Résister à la Déportation en France et en Europe ».

Ce concours connait une grande notoriété dans le système éducatif français. En effet, entre 35 000 et 60 000 collégiens participent au CNRD à travers toute la France.

Les candidatures peuvent être individuelles ou se préparer en groupe. Le travail de groupe est libre et de forme variée (mémoire écrit, présentation numérique, audio ou vidéo, exposition, livre, œuvre artistique…). Plusieurs lauréats sont sélectionnés au niveau local, départemental, régional et national. Ces nombreuses récompenses valorisent les élèves pour leurs contributions à la mémoire de la Résistance et de la Déportation.

Lien vers le dossier du concours sur le site internet du ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse

© Secrets de Pays

Le livre. Le souffle des enfants a été publié en juillet 2017 aux éditions Secrets de Pays. Hélène Braun et son mari Armand étaient venus le présenter à Brantôme aux côtés de l’éditeur, Jacky Tronel, et de l’historien Bernard Reviriego. Armand était ce petit garçon caché avec sa sœur Denise, avec des dizaines d’enfants, au préventorium des Fougères, un épisode effacé de la mémoire collective locale et dont l’auteure a ravivé le souvenir lors de plusieurs années d’enquête. Elle décrit les épreuves subies sous l’Occupation par les habitants de Brantôme et de la région, rend hommage à l’action héroïque du directeur du préventorium Pierre Bouty et de son épouse Marguerite : ils ont gardé ce secret, même le danger passé. /SBT