Accueil BIEN ensemble Une solution intermédiaire pour BIEN vieillir en Périgord

Une solution intermédiaire pour BIEN vieillir en Périgord

RÉSIDENCE ADAPTÉE. Parce que le revenu des aînés en milieu rural n'a souvent rien à voir avec celui des urbains et qu'ils restent attachés à un cadre de vie naturel, le concept de résidences porté par Marc Joly a retenu l'attention de Périgord Développement, qui accompagne cette implantation, et d'élus de Dordogne. Les travaux de la résidence services pilote de Montignac (84 logements) devraient débuter en septembre.

Après une école hôtelière et un parcours dans la restauration, Marc Joly a travaillé dans l’événementiel et les relations publiques, dans l’univers du cinéma, puis il est devenu conseiller en gestion de patrimoine : il a alors découvert les grosses structures pour séniors qui opèrent dans le secteur de l’immobilier et s’est persuadé qu’il y avait autre chose à imaginer, à taille humaine et coût modéré.

Marc Joly s’est engagé sur ce défi en s’appuyant sur son expérience et son réseau relationnel. Et le voilà en Périgord, par la grâce de Périgord Développement qui a détecté le projet lors du premier salon Osez le Périgord, à Paris, à l’automne 2019. « Ce projet nous a séduits parce que les grands noms de ce secteur d’activité ne viennent pas spontanément vers de petites communes, résume François Gaumet, directeur de l’agence de développement économique. Ils arrivent dans des villes moyennes, trois projets sont ainsi engagés à Périgueux, mais la démographie d’un département comme la Dordogne exprime des besoins en milieu rural. Les élus se sont donc intéressés à ABC Résidences. » Initiative Périgord s’est par ailleurs associée au montage financier pour soutenir le premier tour de table.

Ambition sociale et sociétale

Une nouvelle offre de résidences services séniors destinée aux milieux ruraux ? Il fallait juste essayer…Les promoteurs de cet écosystème nouvelle génération au service des anciens ont choisi d’associer des préoccupations écologiques, sociales et économiques pour que chacun y trouve son compte, dans un cadre de vie apaisé, avec des loyers accessibles et un accueil flexible largement ouvert à la famille, sur un modèle financier adossé à des acteurs locaux, à rentabilité rapide puisque la promotion est réalisée en interne. Le modèle est duplicable partout en milieu rural.

La préoccupation environnementale est indissociable de la démarche, un habitat passif avec des constructions en bois et biosourcées, des matériaux intelligents et terrassements avec du verre recyclé ; tout comme l’attention au bien-être quotidien, avec des repas “faits maison” à partir de produits frais (11 euros le midi ou moins cher avec un abonnement mensuel), des outils de communication digitaux (chaîne interne de télé et visio avec les familles, téléconsultation) et des espaces ouverts à la convivialité. Un esprit de place de village, pour recréer le lien social.

Une organisation façon place du village © ABC Résidences

Bien-être des résidents

Autour des espaces communs, de petites maisons seront découpées en quatre appartements de plain-pied. « Nous travaillons à l’inverse des promoteurs : ils vendent lot par lot à des investisseurs pour défiscaliser. Notre structure fait de la promotion immobilière et réinvestit ses marges dans sa société d’exploitation. Nous proposons uniquement des locations, pas de vente à la découpe : nous voulons conserver la maîtrise de l’ensemble, l’entretien et le développement. C’est le schéma d’un cercle vertueux. » Cette formule à la fois respectueuse de l’autonomie des aînés et soucieuse de leur sécurité n’a pas d’équivalent avec des loyers à portée de petites retraites. « Nous sommes partis d’un montant acceptable pour un résident et nous avons travaillé le concept à partir de là. » Ce type de business model évacue le cumul de marges. À 1 000 euros mensuels — ce qui inclut le loyer, les charges, les animations, l’entretien des espaces communs —, des aînés pourront avancer en âge dans un cadre agréable et sûr, avec des services adaptés. « Le maintien à domicile n’est pas toujours possible, certains séniors sont isolés, sans conjoint et avec une famille éloignée : voici une proposition qui n’a rien à voir avec le modèle des Ehpad et constitue une solution intermédiaire », souligne Laurent Deverlanges, élu à Neuvic, prochaine commune candidate à cette installation, et soutien enthousiaste du projet.

Qualité de vie

Une partie de ce loyer raisonnable, considéré comme service, pourra venir en déduction des revenus et des aides habituelles (APL) pourront aussi être sollicitées. Des services à la personne, confiés aux Cias locaux, permettront de garder la continuité de personnels et habitudes. 12 emplois sont prévus pour la résidence de Montignac-Lascaux, auxquels s’ajouteront les aides à domicile dont les personnes âgées peuvent bénéficier chez elles.

Le permis de construire est déjà accordé sur un terrain de 2,5 hectares et les travaux devraient débuter en septembre, pour une ouverture de la résidence fin 2022. Un permis est déposé à Neuvic et cinq projets suivent leur cours dans le Sud-Ouest. « Nous misons sur des bassins de 40 à 50 000 habitants dans un rayon de 20 km pour remplir sereinement une résidence, précise Marc Joly. Actuellement, en milieu rural, 35 % de la population a plus de 65 ans. Ce qui signifie que 17 à 20 000 séniors n’auront pas d’offre d’hébergement autre que rester chez eux, au risque de se couper du lien social et de s’occuper de moins en moins de leur logement. »

Facteur humain

L’opération pilote de Montignac-Lascaux servira de jauge pour les suivantes. Une trentaine d’investisseurs sont attendus dans une holding de départ, pour porter le projet, avec une levée de fonds de 1 à 2 millions d’euros : un investissement d’avenir, puisque nous serons tous vieux un jour ! Les banques devraient ensuite soutenir cette mise initiale. « Un acteur privé s’est manifesté, qui cherche à labelliser un fonds socialement responsable : nous allons nous aider mutuellement. » Agréé par l’autorité des marchés financiers, ce fonds d’investissement va accompagner le développement à un rythme souhaité de deux à trois résidences par an.

Dépendance

« Ce projet nous a séduits immédiatement, assure le maire de Montignac-Lascaux, qui remercie tous ceux qui œuvrent pour l’économie en milieu rural. Le Covid nous a fragilisés, mais nous avons un cadre de vie remarquable, des services et commerces de proximité. Il nous importe de garder le lien social. Une analyse de nos besoins sociaux fait ressortir des carences au niveau de la dépendance, avec 20 % de plus de 80 ans. Nous avons besoin d’équipements et services. » Le Centre intercommunal d’action sociale (Cias) couvre un vaste territoire, il emploie une centaine de salariés qui interviennent dans des domiciles souvent inadaptés au grand âge. Les Ehpad, au Bugue et à Montignac, accompagnent de plus en plus les fins de vie : « il manquait entre le maintien à domicile et l’Ehpad ce type de concept ». Pour Laurent Mathieu, les projets de résidence services proposés jusque là reposaient sur des tarifs trop élevés et n’auraient pas fonctionné sur ce territoire rural, les pensions de retraite étant trop faibles.

Il y a 15 ans à Monpazier

Marc Mattera témoigne d’un concept qu’il a mis en place il y a 15 ans à Monpazier, le plus petit canton de Dordogne : « Nous avons acheté un immeuble dans la bastide pour créer des studios et T2 destinés à des personnes âgées de la campagne. L’idée était de les accueillir l’hiver et qu’ils reviennent chez eux l’été, le logement étant alors ouvert à la location touristique. Nous avons eu la chance d’obtenir des subventions et les loyers étaient peu chers, de l’ordre de 500 euros, avec APL possible. L’été venu, ces personnes n’ont pas souhaité repartir, preuve de l’utilité de cette résidence entre le maintien à domicile et l’Ehpad. » Cet immeuble possède aussi des salles de réunion disponibles pour des ateliers mémoire, des concours de belote, etc. et le Cias passe chaque jour prendre des nouvelles, avec une option de portage de repas. 15 appartements sont ainsi concernés. « Ce type d’investissement aurait dû être démultiplié dans les cantons ruraux. Aussi, je crois au projet d’ABC Résidences car il existe une demande, ces structures contribuent à maintenir et attirer une population, c’est un lieu de vie. »