C’est un brin de végétal en sommeil, soufflé par les vents du désert, suspendu dans l’éternité, figé dans une parenthèse miraculeuse, un fragile souvenir qui ne demande qu’à revenir à la vie au contact de l’eau… Résurrection, résilience, résistance, renouveau, fertilité, renaissance, bien des mots choisis peuvent révéler le potentiel symbolique de la Rose de Jéricho.
Un mirage divin
Les œuvres d’Aurélia Zahedi sont de natures diverses : sculptures, peintures, photographies, calligraphies, film et performance, toutes tournées vers cette curiosité biologique et légendaire. Les recherches de l’artiste l’ont conduite vers trois plantes différentes, mais aucune rattachée véritablement à Jéricho. Alors il a fallu, sur place, se laisser guider par un bédouin… et ce chemin initiatique a permis à l’artiste de trouver deux des trois roses évoquées. Sa quête botanique et littéraire explore l’espace et le temps, un voyage « dans le désert de l’Est de Jérusalem, auprès des bédouins qui lui ouvrent les portes de cette terre disputée ». Cette perle rare apparaît comme la fragile « protectrice d’un peuple en danger », sur une terre sacrée qui n’en finit pas d’être malmenée.
Fusion magique

« C’est une rose qui se promène, une rose nomade, racontait l’artiste lors du vernissage en ouverture du festival Ôrizons, le 3 juin. Elle est recroquevillée sur elle-même et lorsqu’il pleut, ou qu’elle trouve un point d’eau, alors elle s’ouvre et prend racine. Avant d’être emportée à nouveau. On dit que la Rose de Jéricho est immortelle. » Tous les espoirs sont permis. Même si elle s’ouvre aussi, surtout, sous les larmes de ceux qui ont tout perdu, au pied de pleureuses inconsolables, comme en miroir au ciel peuplé d’étoiles ; fidèles veilleuses impossibles à atteindre.
En menant l’enquête sur le terrain, en Palestine, l’artiste a imaginé puis trouvé cette fleur « qui a la couleur de sa terre, pour laquelle il faut avoir les yeux aiguisés : il faut connaître les vents, les pluies, les frontières invisibles ». Peu à peu, une œuvre a pris forme, « un paysage particulier qui parle d’une Palestine et surtout du peuple bédouin. C’est une porte qui, je l’espère, ouvre sur une vision lumineuse de la Palestine, qui en contredit une autre, en ruine, ténébreuse, coincée dans nos imaginaires ». Invention nécessaire — au sens de découverte — pour briser un cycle infernal.
Ligne d’Ôrizons
Ce rendez-vous, au-delà d’une présence artistique, agit comme la promesse de lendemains meilleurs. Cette fleur mystérieuse, symbole de la complexité du féminin notamment, de l’instinct de survie, s’éparpille aux points cardinaux, rose des vents ouverte à toutes les interprétations, offerte aux forces de la nature pour mieux se soustraire à celle des humains, sous les astres gardiens d’une poésie sans frontières… jusqu’à ce riche Ôrizons du Périgord.
D’ici et d’ailleurs

Aurélia Zahedi a mis le cap sur Shanghai pour un postdiplôme Offshore après son cursus à l’École supérieure d’art d’Avignon et la Villa Arson à Nice. Elle expose en France (Crypte d’Orsay en 2019, Institut des Cultures de l’Islam à Paris en 2024) et à l’étranger (solo show en 2017 au Dongzhart Contemporary Museum de Jiaxing, en Chine). Un Prix Nopoto, une bourse de l’Institut français, la bourse Fanak Fund pour la mobilité des artistes au Moyen-Orient, la bourse Ekphr@sis de l’Adagp lui ont permis de poursuivre ses recherches. La Maison Auriolles, lieu qu’elle a cofondé en 2018 dans le Lot-et-Garonne et qui abrite son atelier, est ouvert à des rencontres poétiques et à l’accueil d’associations militantes.