Accueil BIEN commun Tournages en Périgord : un capital d’image(s) – 1 –

Tournages en Périgord : un capital d’image(s) – 1 –

Sur le site de France Tabac, les représentants de la production de Rabia, avec Fanny Petit Van-Tornhout (Ciné Passion) et Benoît Secrestat, vice-président du Département © SBT
COULISSES DU CINÉMA. C'est une décision très attendue en Périgord : la réponse à l’appel à projets national "La grande fabrique de l’image" devrait arriver fin mars. Elle donnerait les moyens nécessaires à l'aménagement de studios de cinéma dans les anciens locaux de France Tabac, à Sarlat. L'occasion de faire un arrêt sur images, avec Ciné Passion, sur l'accueil des tournages en Dordogne (en deux parutions successives).

C’est le tournage du Dernier duel, de Ridley Scott, qui a conforté les opérateurs périgourdins du monde du cinéma et les élus dans l’idée de créer un studio dans les anciens bâtiments de France Tabac, à Sarlat. La superproduction avait investi les lieux en base arrière, en 2020. De quoi imaginer un autre avenir pour la dernière usine française de première transformation du tabac, fermée en 2019 après avoir compté jusqu’à 250 salariés. La Communauté de communes est devenue propriétaire de cet incroyable espace aux portes de la ville, plus de 10 hectares dont la moitié couverte, deux bâtiments et hangars de 6 000 et 15 000 m2 très adaptés aux besoins logistiques des équipes, accessibles aux camions, clos et sécurisés. Un studio cinéma sur une terre de tournage et de tourisme serait bien plus opportun qu’une plateforme de distribution bien connue.

Déjà en haut de l’affiche

Pour Ciné Passion, la motivation se double d’une revanche à prendre après un revers sur un énorme projet international où le Périgord cochait pourtant toutes les cases : « Après l’envoi de toutes les photos de sites qui correspondaient, la visite — en jet — du producteur et du réalisateur à Périgueux, le constat d’absence de studio nous a été fatal », s’agace Rafael Maestro, directeur de Ciné Passion. « On doit passer ce cap pour progresser et aller au-delà de 150 jours de tournage dans l’année. » Le Périgord, qui ne compte pas pour rien dans le paysage cinématographique français — dans le top 3 des départements hors littoral — mise gros sur la création de ces studios, nécessaires à la fabrication d’images hors décor naturel.

“La grande fabrique de l’image”

On trouve de tout dans les coulisses du tournage de Rabia © SBT

L’appel à projets de 350 millions d’euros lancé dans le cadre du programme d’autonomie nationale France 2030 (avec 60 milliards de l’U.E) est arrivé à point nommé pour mobiliser les énergies. Les partenaires locaux ont saisi l’axe de “La grande fabrique de l’image” réservé à l’économie créative (cinéma, audiovisuel, jeux vidéo). « Ce secteur important à l’export, avec le luxe, ne dispose pas de studios équipés comme on en trouve en Espagne ou en Allemagne », note Rafael Maestro. Face aux trois poids-lourds que sont l’Île de France, les Hauts de France et PACA-Occitanie, le Périgord mise sur un rattrapage national attendu sur trois points : studio, formation et développement durable.

Un important volet formation

Ciné Passion a bouclé le dossier en deux mois, « un montage financier public-privé en dizaines de millions d’euros et 120 pages d’annexes ! » viable à court et long terme, cohérent dans un écosystème familier des tournages, avec un volet formation essentiel. « Nous sommes allés voir les CFA, la Région, l’Éducation Nationale. » Thierry Bordes et son adjointe du Bureau d’accueil de tournages, Fanny Petit Van-Tornhout, ont élaboré un tableau des correspondances entre toutes les filières techniques et les métiers du cinéma. Des passerelles sont aussi envisagées avec l’artisanat d’art.

Présentation du projet d’aménagement de studio à Sarlat, lors du festival du film 2022 © D.Nidos-CD24

Économie circulaire et cinéma

Une autre orientation précieuse peut donner des points au dossier périgourdin : sur les bons conseils de professionnels, un centre de traitement des décors (jusque-là promis à la destruction) est prévu sur le site. De quoi retenir l’attention des producteurs qui viennent tourner entre Bordeaux-Lyon-Paris et Toulouse : cette ressourcerie pourrait stocker des décors, costumes, accessoires à réutiliser ou les recycler dans le respect des normes environnementales. Avec le volet formation et insertion en prime.

Base arrière régionale

Cette base arrière est destinée à optimiser le temps de présence des tournages dans un rayon de 150 km. Le Sarladais, dont l’accès est certes contraint en période touristique, bénéficie d’une belle situation géographique au carrefour de l’A89 et l’A20. La faisabilité technique du projet est validée par des experts du monde du cinéma consultés. On compte déjà 150 professionnels et prestataires, tous métiers confondus, en Dordogne. Et le site a de quoi en attirer bien d’autres. « Il est déjà très demandé par les équipes, avec des espaces modulables pour les répétitions ou le stockage, souligne Fanny Petit Van-Tornhout, c’est un atout complémentaire aux décors naturels de Dordogne. » 

Korentin Guivarch, régisseur général sur le tournage de Rabia, confirme que « ce sont les conditions idéales avec les loges, la cantine, tout sur place ; c’est rare d’avoir autant d’espace et de loger l’équipe dans les environs ». Et des pistes existent pour aménager à proximité 7000 m2 de backlot, des studios extérieurs permanents (rues, façades…).

Du cinéma dans feu l’entrepôt des tabacs

Dans les coulisses du tournage de Rabia © SBT

 « On n’avait pas imaginé que nos bâtiments pouvaient à ce point intéresser des productions », explique Benoît Secrestat, vice-président du Département, chargé de l’attractivité économique, et de la Comcom. Leur potentiel correspond à l’appel à projet national, bien mieux qu’aux activités de stockage initialement prévues.« Nous souhaitons construire des boîtes dans la boîte : quatre studios de 1000 à 1500 m2, avec loges, construction de décors… » L’ensemble des collectivités concernées soutient ce projet estimé à 43 millions d’euros : Ville de Sarlat, Comcom, Département et Région.

Le dossier a été déposé le 30 octobre par la Semiper, outil départemental qui peut officiellement le faire. « On l’enrichit avec des informations obtenues depuis, ajoutent Rafael Maestro et Thierry Bordes. Nous sommes dans une compétition interrégionale avec de grandes métropoles, pour des retombées énormes : ce projet Sud-Ouest corrigerait la décision d’accueillir 90 % des tournages entre le Nord et l’arc méditerranéen. » La réponse est attendue fin mars. Si elle est favorable, la mise en œuvre de cette plateforme pourrait aboutir à l’orée du centenaire du premier tournage en Périgord, à Sarlat (Le Capitaine Fracasse, Alberto Cavalcanti, 1928).

 

Espace maquillage dans les loges du tournage de Rabia © SBT

Ils ont dit

> « Pour 1 euro investi par le Département sur un film, la production dépense 4 à 8 euros sur place. Pour des productions internationales, cela peut aller au-delà. On parle de 11 millions d’euros en Dordogne pour le film de Ridley Scott. » Benoît Secrestat

> « Cet espace permet beaucoup de choses. On peut travailler sur place avec le bureau de prod, la décoration, on s’est dit qu’on pouvait reconstituer un studio. C’est rare d’être accueilli comme ça. »  Lionel Massol, Producteur de Rabia

Lire aussi : Ciné Passion, un travail à la source

On tourne

Le tournage du premier long-métrage de Mareike Engelhardt, Rabia, film d’auteur à 2,9 millions d’euros produit par Les Films Grand Huit, avec Megan Northam (Les Passagers de la nuit) et Lubna Azabal (Incendies), s’est déroulé sur le site de France Tabac à Sarlat fin 2022 pendant un peu plus d’un mois, avant une semaine en Jordanie. Ce tournage a bénéficié des fonds de la Région, 150 000 euros, et du Département, 50 000, et la société a dépensé plus de 500 000 euros sur place pour les besoins du film.

Tournage de Rabia © D. Nidos-CD24

Les pièces d’une madafa ont été recréées pour raconter l’histoire d’une jeune française partie en Syrie pour le jihad et enfermée dans une maison de femmes de Daech. Les décors sont conservés jusqu’au printemps pour permettre aux scolaires de Dordogne de visiter les coulisses d’un tournage et la fabrication d’un décor, avec Ciné Passion.

 

Bonne fortune. Le tournage de la série Fortune de France, d’après Robert Merle, a débuté mi-février et se poursuit jusqu’au début de l’été (Christopher Thomson à la réalisation). Le casting est ouvert pour 800 figurants. « Avec une saison 2 si ça marche », espère Thierry Bordes. « L’œuvre originale commence chez nous : le réalisateur a donc voulu voir, nous avons réussi à valoriser la Dordogne pour qu’il y tourne la série à 100 %. C’est la première fois : des mois de tournage, 150 personnes qu’on déplace tous les jours, des reconstitutions de Sarlat dans d’autres lieux… »

Une célébrité pour Anonymes. Les pilotes d’une série pour M6 avec Éric Cantona ont été tournés fin janvier à Barnabé (Boulazac) : Les anonymes.

Histoire d’en rire. Et une comédie historique, avec Dany Boom et Jérôme Commandeur, est planifiée à partir de mars à Monpazier et à Jumilhac-le-Grand. Casting en cours !