Accueil BIEN commun Les violences intra familiales, l’affaire de tou(te)s

Les violences intra familiales, l’affaire de tou(te)s

©Myriam Poupard
DÉBAT. CINÉMA. Dans le cadre de la Journée internationale pour l’élimination des violences à l’égard des femmes, le Centre Intercommunal d’Action Sociale (CIAS) a offert une soirée ciné-débat autour du film coup de poing « L’amour et les forêts » de Valérie Donzelli, en présence des partenaires départementaux impliqués dans ce combat.

La Communauté de Communes Isle Vern Salembre (CCIVS) a été la première en Dordogne à signer un contrat de mobilisation dans la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, en 2019.

Une fiction réaliste

Beaucoup de femmes dans l’assistance, composée de 80 personnes, étaient présentes à la Fabrique de Saint-Astier, et ce malgré une météo aussi maussade que le sujet traité. Des hommes, aussi. Car « bourreaux et victimes sont des deux sexes, et de toutes conditions sociales », rappelle Caroline Portel, juriste au Centre d’Information sur les Droits des Femmes et des Familles de Dordogne (CIDFF 24)

« C’est un problème de relation à l’autre, de domination et de contrôle, qui n’a rien à voir avec une maladie », explique Caroline Portel.

 

Le film dépeint l’engrenage insidieux qui fait d’une femme la victime des diverses violences de son mari : éloignement de la famille et des amis, surveillance constante de l’emploi du temps et des dépenses, harcèlement verbal, alternance de phases aimantes et violentes, isolement et mise en dépendance, culpabilisation, dénigrement, viol, violences physiques allant parfois jusqu’à la tentative de meurtre : la liste est longue.

Caroline Portel apprécie le film pour son réalisme : « la privation de sommeil est monnaie courante, elle empêche la victime de pouvoir réagir ». Elle rappelle : « Le besoin de dormir est souvent la priorité pour les personnes accueillies en hébergement d’urgence. » Un hébergement que la CCIVS souhaite développer sur son territoire.

Prévention et accompagnement

L’engagement du CIAS de la CCIVS regroupe trois objectifs que rappelle son président, Jean-Michel Magne : « Améliorer les connaissances en termes de violences intra familiales avec la formation du personnel, sensibiliser et communiquer auprès du grand public et des scolaires, renforcer la coordination des acteurs pour proposer une réponse et une action de proximité. » Ces violences concernent la relation conjugale, mais aussi parents-enfants, frères-sœurs… mais le mécanisme d’emprise se retrouve le plus souvent dans la relation de couple.

 

A la question du public sur les affres de la jalousie, Caroline Portel répond : « C’est dissociable. Cependant, c’est une question que nous abordons avec les jeunes. Pour la majorité d’entre eux, la jalousie représente une preuve d’amour et non un problème de confiance ou de possession. »

La Maison de Protection des Familles, créée en 2021 pour renforcer l’engagement de la gendarmerie dans le suivi et l’accompagnement des victimes, rappelle ses missions : « Nous nous occupons de prévention dès l’âge de 3 ans, ainsi que des problèmes d’addiction », indique l’adjudant-chef Sonia Wolke. La vice-procureure du tribunal judiciaire de Périgueux, Anne-Claire Galois, acquiesce : « En effet, beaucoup de violences sont commises sous l’emprise de l’alcool ou d’addictions diverses. »

Valérie de Pauw, déléguée départementale aux Droits des Femmes et à l’Egalité, a salué le très bon travail du CIAS puis évoqué les dernières progressions. « Nous comptions 10 places d’hébergement en 2019, nous en sommes maintenant à 75 dans le département ».

Un parcours de combattant(e)

Les textes de loi couvrent à peu près l’ensemble des violences qui peuvent émailler nos vies, mais la confrontation à la réalité peut être décevante.

« La justice a besoin de preuves suffisantes pour lancer la procédure et c’est là où ça se corse, bien que cela reste un garde-fou nécessaire. Beaucoup d’affaires sont classées sans suite, faute de preuves. Elles ne tombent pas pour autant dans l’oubli notamment lorsque d’autres plaintes concernant la même personne nous parviennent plus tard. »reconnait Anne-Claire Galois.

Autant que possible, il faut donc noter, enregistrer des conversations ou sms, ou encore faire constater les traces éventuelles de violences, le plus rapidement. Des outils numériques ont aussi été mis en place pour externaliser ces éléments hors du téléphone ou du domicile. Enfin, le CIDFF, dans son parcours d’accompagnement, propose les services d’une conseillère emploi, car il peut devenir nécessaire de changer d’emploi, voire de région, pour se reconstruire.

 

Libérer la parole

Le nombre de plaintes pour violences conjugales et violences sexuelles dans le couple a explosé dernièrement, faisant suite aux prises de paroles publiques ou encore aux actions comme #MeToo. En 2022, le CIDFF a accueilli 340 victimes (sans compter les personnes qui se dirigent vers d’autres associations) et seulement 322 plaintes ont été déposées. Jean-Michel Magne et Régis Batailler, tous deux maires et présents lors de la soirée, corroborent ce fait : « Nous sommes sollicités pour intervenir dans les problèmes de couples mais dans la plupart des cas et malgré nos incitations, les victimes ne veulent pas entreprendre les démarches. »

Pour autant et c’est ce que constatent les différents partenaires, « ces personnes, lorsqu’elles viennent nous raconter ce qu’il se passe, se sentent au moins reconnues comme victimes et c’est un premier pas. »
Le mot de la fin revient au président de la CCIVS selon qui « nous sommes tous concernés, alors soyons vigilants. »

Myriam POUPARD

Les relais pour aider et se faire aider

  1. Gendarmerie – Police : 17 ou 112
  2. Numéro d’urgence joignable par SMS : 114
  3. Hébergement d’urgence : 115
  4. Signalement enfants en danger : 119
  5. Numéro d’appel national anonyme et gratuit : 3919
  6. L’Îlot Femmes : 05 53 09 09 49
  7. France Victimes Dordogne : 05 53 06 11 73
  8. CIDFF 24 : 05 53 35 90 90
  9. Planning Familial : 06 71 77 37 02
  10. CIAS de la CCIVS : 05 53 80 86 86
  11. Plateforme départementale de la Dordogne de lutte contre les violences conjugales, sexistes et sexuelles : https://eva24.fr/