Ne leur parlez pas de Street Art, terme vague et galvaudé. Ella & Pitr préférèrent se définir avec malice comme des peintres en bâtiment. Issus de Saint-Étienne, dissidents des beaux-arts et enfants du cirque, peintres de la géographie urbaine — bâtiments, friches industrielles, stades, aéroports —, spécialistes du colossal, du monumental mais aussi du minuscule, ces artistes exposés dans le monde entier sont en résidence à Sarlat. Invités par l’Agence culturelle Dordogne-Périgord et le la ville de Sarlat (service patrimoine), ils ont passé une semaine par mois depuis octobre et se donnent à voir jusqu’à fin juin. Après des rencontres et ateliers avec des scolaires, les œuvres s’exposent et attendent les regards et même les critiques : Ella & Pitr aiment que l’on n’aime pas, ne prétendent pas détenir une vérité esthétique, et préfèrent susciter le débat et la rencontre. La beauté, mais pas à tout prix. L’humour, le monstrueux, ont aussi leur place dans leurs œuvres. Ils se sentent plus héritiers de Sempé ou de Tomi Ungerer que des “grands peintres”.
Héros errants
C’est un sacré défi d’intégrer cet art contemporain, voisin de la BD, dans le cadre médiéval et classé de Sarlat. Ne pouvant peindre sur les murs protégés par la loi Malraux, Ella & Pitr ont choisi d’accrocher, de suspendre et de surprendre en n’exposant pas de façon massive, pour échapper aux rues les plus fréquentées, au détour d’une placette ou d’une ruelle. Chemin faisant, le touriste et le vagabond pourront ainsi faire des rencontres inattendues avec des géants de bois ou aiguiser leur regard dans l’immense Chapelle des Pénitents blancs rénovée. Pas de carte fournie aux visiteurs qui trouveront ou pas leurs personnages.« Quelques témoins épinglés. Nos héros, nos errants, des sauvages, des fous, des sages, nos papas et nos mamans, ceux qui voudraient tout sauver, ceux qu’on voudrait assassiner, des qui passaient par hasard, d’autres plus insistants, quelques sacs plastiques au passage, ça aussi, tiens, parlons-en, encore et de travers. Jusqu’à ce que tout le monde disparaisse… Que restera-t-il à la fin du grand banquet sur la plage abandonnée ? » disent Ella & Pitr.
En touristes
Eux qui ont créé la plus grande fresque de France (25 000 m2 sur le toit du parc des expositions de la porte de Versailles, détruit à la fin de l’année) aiment l’art de l’éphémère, qui évite de se démoder. Fonte des glaces mangées par les enfants, lunettes de soleil un peu ridicules : l’été est au programme sur le visage de leurs personnages, qui se moqueraient bien un peu des touristes qui passeront, clin d’œil à nos consciences écologiques.
Laurent SEITMANN
• Jusqu’au 25 juin • Mardi 28 juin : rendez-vous avec les artistes, Rue Joseph Escande (Ancienne école Jean Leclaire) • Mercredi 29 juin, de 14h30 à 15h30 ou de 15h30 à 16h30, ateliers en famille (adulte(s) et enfants) et avec Ella & Pitr, réalisation de dessins grands formats. Places limitées, gratuit sur inscription obligatoire au 05 53 29 82 98.
