Accueil BIEN naturel Pisciculture de Larzac : et au milieu jaillit une source …

Pisciculture de Larzac : et au milieu jaillit une source …

Pisciculture Larzac truites
Mathieu Granier ©Pisciculture de la Farguette
MILIEU AQUATIQUE. La France est le premier producteur européen de truites élevées en eau douce. La Nouvelle Aquitaine, la Dordogne en particulier, s’y taille la part du lion : un phénomène grandissant depuis que les élevages de saumon dénoncés par des ONG demandant un moratoire sur les élevages intensifs en mer, battent de la nageoire. C’est dans ce contexte que Mathieu Garnier vient d’ouvrir sa pisciculture, dans le village de Larzac, entre Belvès et Monpazier, après cinq années chez Prunier, leader français du caviar.

Cette expérience irremplaçable a convaincu le CMSO (Crédit Mutuel du Sud-Ouest) et Initiative Périgord de financer son projet truiticole, dans un site exceptionnel, sur un bassin source résurgent qui permet d’assurer qualité, bien-être animal et gestion vertueuse de l’eau.

Une reconversion professionnelle semée d’embûches

Après avoir occupé des fonctions commerciales puis administratives, Mathieu Garnier, à la trentaine, s’interroge sur ce qu’il aimerait vraiment faire. Il part un an en Irlande où il fréquente pêcheurs, musiciens et pubs ! Feuille à deux colonnes en poche, (j’aime / j’aime pas), et c’est le poisson qui sort de l’entonnoir !

Il s’inscrit à l’école de pisciculture de Belfort et bâtit un projet d’installation en Lot-et-Garonne, où il a grandi. Projet qui tombe à l’eau, dans tous les sens du terme, car alors qu’il est juste diplômé, Ségolène Royal, obtient de sortir l’aquaculture du giron agricole pour l’intégrer à celui de l’Eau et de l’Environnement. Adieu truites, perches et sandres ! Plus de subvention à l’installation, réservée aux néo- agriculteurs, et changement de normes triplant le coût. Plouf ! Il doit trouver un employeur. Mais à toute chose malheur est bon. En Périgord, l’esturgeon recrute ! C’est à Montpon-Ménestérol que Mathieu chausse les bottes, chez le célèbre caviariste Prunier. Il y exercera pendant cinq ans, acquérant ainsi le must des techniques piscicoles.

Pisciculture Larzac truites
Pisciculture de la Farguette
©BEP

Un site d’exception : l’eau souterraine vient directement du Massif central

Son projet mûrit. Il visite toutes les piscicultures possibles jusqu’à trouver le Graal à quelques kilomètres de Belvès. Un site spécial car le bassin source provient d’une résurgence souterraine arrivant directement du Massif central, puis se jetant dans la Dordogne. Pureté de l’eau, température constante à 12/13 degrés, ce que les truites apprécient, et qui constituera une protection pour les étés caniculaires. On aperçoit au fond, des camaïeux de turquoise et un sable fin qui participe à la bonne filtration des eaux.

Une exploitation à taille humaine

Installé depuis novembre 2022 dans sa pisciculture de La Farguette, Mathieu a d’abord implanté de tous petits poissons de 3/4cm, des vairons, ultra sensibles aux pollutions bactériologiques, servant de “goûteurs d’eau”. Test réussi ! Il a ensuite reçu ses premières truites. Les petites, truites portions, pourront être vendues telles quelles. Les “grosses” serviront à faire des filets frais et fumés. Il souhaite atteindre une dizaine de tonnes. Il pourrait tabler sur quinze mais préfère cette “petite quantité”, afin que le poisson puisse nager confortablement, qu’il ait une bonne qualité de chair. Une exploitation à taille humaine où il veille à tout nourrissage, écoulement des eaux, développement des alevins et musicalité du flux. Le secret : un bouchon se constituant dans le ruisseau n’est pas toujours visible et c’est à l’oreille qu’on peut le percevoir.

Pisciculture Larzac truites
©Pisciculture de la Farguette

Abattage et commercialisation fraîcheur

En filets, en sushis, fumée, en vente directe aux particuliers, en forfaits de pêche dans deux étangs dévolus à cet usage, l’un de “pêche rapide” (plus fourni en poisson) et l’autre de “pêche patiente” pour les plus aguerris. Dix kg de truite au départ dans l’étang, six truites ajoutées à chaque nouveau pêcheur, « slow et fast fish » en quelque sorte. Il est possible de déguster sur place en été sur des tables de piquenique ombragées. Enfin, la vente à l’étal sur le marché de Belvès, le samedi matin, dès le mois de mars, permettra au voisinage de se fournir en truite d’une qualité de fraîcheur exceptionnelle.

Une méthode d’abattage japonaise, gage de fraîcheur

La technique d’abattage appelée “ikejime” (également utilisée pour les esturgeons du caviar Perle Noire) neutralise rapidement le système nerveux central du poisson, en le vidant de son sang.  Elle préserve la fraîcheur et les qualités organoleptiques. La maturation qui s’ensuit va permettre d’attendrir la chair et d’affiner le goût du poisson. Le jour même de l’abattage, la chair sera en revanche ultra-croquante.

Laurent SEITMANN