
Benoît David, le contremaître de la carrière de Saint-Astier, est né dans la plaine, non loin de son lieu de travail situé à plus de vingt mètres sous terre. Avec son équipe, il fait partie des derniers mineurs de fond du Périgord. Les carrières de calcaire, à l’origine de la célèbre chaux de Saint-Astier, sont les seules à être exploitées en souterrain dans le département.

Mécanicien à l’origine, de formations en formations, il est devenu conducteur d’engins de chantier, puis spécialiste dans les techniques de minage. Il est depuis une dizaine d’années le patron de l’extraction, avec une équipe de huit personnes. Il aime ce métier peu courant, qui s’apprend en partie sur le tas : « il faut au moins trois ans pour former un mineur ».

Une drôle de vie professionnelle passée dans l’obscurité, mais dans un milieu loin d’être étouffant : les galeries font jusqu’à 12 mètres de haut, et les énormes camions et pelleteuses qui y circulent ont presque l’allure de jouets pour enfants. Parois, plafonds et sols, tout est d’un blanc lumineux, car taillé au sein d’un gisement d’un seul bloc de plus de 350 hectares qui s’étend sur plus de 200 mètres de fond. À raison de 130 000 tonnes extraites par an, il y a encore des réserves pour des générations. Le vaste périmètre d’exploitation évite les zones construites et ne passe sous l’autoroute A89 que par une seule galerie.
42 trous pour chaque tir

Le mineur de fond extrait des matériaux en posant des explosifs, selon des procédures très précises et très sécurisées. Pour pouvoir mener cette opération, il faut posséder le certificat de préposé au tir. « Nous opérons sur des parois de 11 mètres de long et 6 mètres de haut. Il faut 70 kilos d’explosif pour abattre 400 tonnes de calcaire à chaque fois », explique Benoit David. 42 trous sont forés pour chaque tir, selon un déclenchement progressif, destinée à causer le moins de bruit et de vibrations possibles. « Nos mesures montrent que nous les avons divisées par deux, elles sont largement meilleures que les normes en vigueur. » Les explosions sont étalées sur plusieurs secondes, pour éviter un boum assourdissant. Les tirs ont lieu le mardi et le jeudi, en fin de matinée et début d’après-midi.

La vieille dynamite inventée par le père Nobel n’est plus utilisée depuis longtemps, remplacée par des émulsions en cartouches, beaucoup plus stables. « Le plus dangereux, c’est le détonateur », souligne l’artificier. Pour chaque tir, beaucoup de précautions sont appliquées pour éloigner les opérateurs au moins à 100 mètres. « Il faut être très sérieux dans ce métier de mineur. Par exemple, l’alcool est interdit sur le site », rappelle Benoît David.
Un métier appris sur le tas

Dans la carrière, le danger peut venir aussi des énormes machines qui circulent dans les galeries. Il y a la foreuse avec son bras articulé qui prépare les zones de tir et les pelleteuses qui ramassent la pierre détachée par les explosions. Bardées de grillages de protection, ces machines ont aussi pour mission de racler parois et plafonds de tout ce qui n’est pas tombé et de réduire les morceaux trop gros. Des tombereaux de chantier font ensuite la navette pour apporter les matériaux vers les concasseurs. Des tapis convoyeurs se changent ensuite d’amener cette matière première vers la surface où elle sera transformée dans les fours. « Ma compétence s’arrête ici », montre le contremaître au pied de l’ascenseur qui amène les pierres à la surface.

Ceux qui travaillent au fond sont plutôt jeunes et motivés. Ils débutent souvent par de l’intérim avant d’être titularisés quand ils connaissent bien leur métier, appris sur le tas. Il n’y a pas d’école de mineurs en Dordogne. Hugo, qui manie une imposante pelle, et Joël, qui travaille avec la foreuse, sont notamment formés par Benoît David. « J’ai dû préparer des fiches de suivi pour chaque étape, on doit être très précis dans ce travail. » L’équipe a tout le confort dans la base souterraine : toilettes, douches, réfectoire, atelier, éclairage façon lumière du jour, bonne pour le moral… Un système de communication avec géolocalisation est opérationnel dans tout le réseau, qui s’étend sur 45 hectares. Deux équipes d’exploitation s’y relaient de 5 heures du matin jusqu’à 19 heures.
Une carrière ouverte aux visites

Depuis des années les chaux de Saint-Astier ouvrent au public ses carrières exploitées depuis 150 ans, sous certaines conditions. Chacun peut découvrir ces immenses galeries avec ses énormes piliers, les imposants matériels, les petits lacs qui captent les eaux de ruissellement qui sont réutilisées pour éteindre la chaux vive… L’accès se fait la plupart du temps en convois avec des voitures particulières, après avoir vu les fours en surface.
L’office de tourisme de Saint-Astier assure les réservations et l’organisation, mais les visites sont pilotées par des personnes de l’entreprise. Le dirigeant, Antoine Bastier, quatrième génération de chaufournier (fabriquant de chaux) joue parfois le guide, surtout quand il accueille des acteurs du monde économique.

Pour le grand public, les visites sont régulières du 25 juin au 3 septembre uniquement les mercredis à 8 h 30 et 10 h 15. Réservations au 05 53 54 13 85, avec 25 personnes par visite. Durée 1 h 30, avec un tarif de 5 euros. Nombre de places limité à 25 personnes. Il faut penser à se couvrir, surtout l’été, car la température est de 13 degrés, comme dans les grottes.
Des réservations pour des groupes organisés sont possibles toute l’année.
Pour la société des chaux de Saint-Astier, ces rendez-vous sont aussi l’occasion de parler de ses produits utilisés pour la rénovation de monuments anciens, exportés à travers le monde. Avec un savoir-faire qui lui vaut le label d’entreprise du patrimoine vivant.