Tous ceux qui roulent en ville le confirment : depuis quelques années, il n’y a jamais eu autant de cyclistes dans les rues, même en Dordogne. Le vélo est de plus en plus utilisé parce qu’il permet de se jouer des embouteillages, il est source d’économies sur ses déplacements et l’activité sportive qu’il procure est plutôt bénéfique pour la santé. Les résolutions prises lors des confinements du Covid, le développement des vélos à assistance électrique et la hausse du prix des voitures et du carburant, ont rajouté des arguments.
Voilà de bonnes raisons de regarder avec attention la dernière enquête réalisée auprès des cyclistes par la FUB, la Fédération des usagers de la bicyclette. Cette organisation nationale représente surtout les pratiquants urbains qui utilisent le vélo comme déplacement du quotidien, les “vélos-tafeurs”. D’autres associations, comme la Fédération française de vélo, est davantage axée sur les pratiques de loisir comme le cyclotourisme. L’enquête de la FUB qui n’avait pas été relancée depuis 2021, a réuni plus de 334 000 réponses au printemps 2025 (plus 21 % par rapport à la précédente enquête) sur l’ensemble de la France. Ils ont répondu à 26 questions via Internet. Seules les communes récoltant suffisamment de voix ont été analysées. En Dordogne trois ont été validées : Périgueux, Bergerac et Brantôme.
La piste cyclable supprimée à Périgueux
Les résultats ont été rendus publics à l’automne, avec des résultats très médiocres et plutôt critiques de la part des usagers des deux principales villes de Dordogne. Nous avons demandé leur avis à deux pratiquants impliqués dans des associations.

À Périgueux, Jacky Chabrol, président de Vélorution, pointe le signal le plus négatif de ses dernières années : « la suppression de la piste cyclable sur les boulevards pour faire passer un couloir de bus a été mal perçue. Même si elle n’était pas très bien positionnée, elle avait sa place et représentait un signe fort dans la ville. Il aurait fallu trouver une autre solution pour la remplacer. La bande réalisée sur l’autre côté ne résout pas le problème ». La grande avancée de ces derniers mois a été le passage de l’essentiel de la ville à 30 km/h pour apaiser la circulation, ce qui doit sécuriser le déplacement des piétons et des cyclistes.
« Mais l’opération n’a pas été menée jusqu’au bout. Les automobilistes ne s’en rendent pas toujours compte, car il n’y a plus de panneaux 30 après les entrées de ville et pas de marques sur le sol pour le rappeler. Quant aux doubles-sens pour les vélos, il en manque beaucoup. Très peu de passages piétons sont aménagés pour leur traversée, même quand ils sont reliés à un itinéraire cyclable. Nous le répétons lors des réunions avec les élus, mais pas grand-chose ne bouge. On ne sent pas toujours une volonté d’avancer. »
Certains aménagements sont pourtant une réussite, mais restent parcellaires : ainsi le quartier du Toulon, très bien signalé pour les vélos, qui devait être pris en exemple ailleurs. Sans oublier la voie verte des bords de l’Isle, parfois victime de son succès à cause d’une intense fréquentation entre promeneurs et “vélos-tafeurs”.
Les vélos verts du Grand Périgueux

Dans l’enquête de la FUB, les Périgourdins se disent satisfaits des services de location des fameux vélos verts et des arceaux de stationnement qui se sont multipliés. Mais ils sont gérés par l’intercommunalité du Grand Périgueux, pas par la ville de Périgueux. « Nous avons un millier de vélos loués et nous répondons aussi à des demandes de vélos cargos », souligne l’élu communautaire chargé du dossier, le Trélissacois Olivier Georgiades.
Cette partie “services et stationnement” est bien notée à B par les usagers, alors que la notation globale de la ville de Périgueux est à D « moyennement favorable ». Les inquiétudes de sécurité dans la circulation reviennent souvent, notamment chez les cyclistes les moins chevronnés. Se mettre ou se remettre au vélo, venir dans Périgueux avec ses enfants à vélo, n’est pas très simple.
La baisse du nombre de réponses à l’enquête interroge aussi, alors que la hausse du nombre de cyclistes est réelle. Mais les chiffres de l’Insee sur les déplacements issus du recensement, prouvent la progression régulière constatée visuellement à Périgueux. Les dernières données disponibles de 2021 annoncent pour Périgueux ville 4,1 % des déplacements à vélo sur le trajet domicile travail ; ils étaient 2,9 % en 2018, avec une hausse constatée chaque année. Pour le cœur de l’agglomération (Périgueux et ses banlieues immédiates), il est à 2,3 %. Le chiffre baisse plus on s’éloigne de la ville.
Brantôme a été pris en compte avec 35 réponses, au titre de communes de moins de 5000 habitants, avec un classement désastreux en F, défavorable au vélo, faute d’équipements adaptés. Comme souvent dans les enquêtes, les réponses sont surtout en négatif. Elles ont pour atout d’alerter les décideurs sur la nécessité de ne pas oublier les cyclistes.
Bergerac manque d’aménagements

Pascal Gil, membre de l’association Roue libre de Bergerac que préside Christophe Sermonne, représente souvent les usagers auprès de la mairie. La hausse du nombre de réponses au baromètre FUB est liée au travail des militants qui sont partis dans la ville à la rencontre des usagers. L’insécurité due à la circulation dans les rues et notamment sur les ponts revient très fréquemment dans les réponses. « La mairie a pourtant mis en place la vitesse à 30 km/h généralisée dans la ville, mais elle ne le fait pas savoir. L’usage du vélo a augmenté, mais les nouveaux pratiquants ont souvent peur de circuler. La ville manque d’aménagements et de signalisation pour les cyclistes. Il n’y a même pas les petites balises M12 sur les feux de circulation pour permettre de passer en toute légalité au rouge. »
Les doubles sens cyclables qui devraient être la règle en zone 30, sont rares ou mal indiqués. À Bergerac les mobiliers de stationnement cyclable ne sont pas assez nombreux et bien situés. Ici comme ailleurs, les militants du vélo doivent sensibiliser les candidats aux élections municipales du mois de mars pour qu’ils s’engagent. Il y va aussi de l’image de la ville. Le baromètre 2025 l’a noté en F « défavorable ».
Des projets sortent des cartons comme le trajet vélo entre la gare et la piscine. « Attention de ne pas oublier des marquages au sol bien visibles », alerte Pascal Gil qui connaît bien sa ville. Il souligne aussi le manque de mise en couleur des chaussées dans les zones de rencontre à 20 km/h, pour signaler que piétons et cyclistes peuvent se déplacer partout. Cela demande quelques aménagements, mais la sécurité dans les rues n’a pas de prix.
Une enquête à la loupe

Tous les résultats de l’enquête FUB sont consultables via Internet. De nombreuses données sont en ligne via des cartes et des tableaux. Par exemple pour les villes, des points de couleurs correspondent aux réponses des usagers avec les lieux à améliorer, les progrès réalisés et les stationnements. Ce n’est pas très lisible, mais c’est transparent. Par exemple la carte de Périgueux est accessible avec ce lien et celle de Bergerac ici.
En Dordogne, 321 réponses ont été récoltées à Bergerac, 93 à Périgueux, 35 à Brantôme, 23 à Mareuil, 18 à Sarlat, 13 à Nontron, 11 à Coulounieix-Chamiers… Pour l’anecdote, avec 4 participants, la commune de Saint-Front d’Alemps est en pourcentage la plus impliquée en Dordogne avec 1,53 % de sa population.
Pour trouver en Nouvelle-Aquitaine des villes notées A, il faut aller sur la côte atlantique où les pistes cyclables sont très développées.









