Dix ans après l’ouverture du fac-similé Lascaux IV dont il avait coordonné la réalisation comme directeur artistique et technique, Francis Ringenbach a rassemblé ses souvenirs, alors qu’il a pris sa retraite de l’Atelier des fac-similés du Périgord, l’un des fleurons de la Semitour Périgord. « C’était un besoin de coucher cette aventure sur le papier. Je l’ai vécue comme dans un tourbillon. Le plus compliqué a été de structurer cette histoire et de la rendre facile à lire, en apportant beaucoup de réponses par les images. J’ai allégé les parties trop techniques et je me suis mis dans la peau d’un visiteur. » Ainsi est né “Lascaux IV en coulisses”, avec l’aide de Denis Tauxe, l’ancien formateur des médiateurs du centre international de l’art pariétal de Montignac-Lascaux.
Francis Ringenbach, à la fois technicien et artiste (il est dessinateur industriel, sculpteur et peintre), est entré dans l’histoire des fac-similés en 2004. Il a ainsi travaillé à la rénovation de Lascaux II, à l’époque, avec l’expertise de sa créatrice Monique Peytral, étudié et réalisé avec une petite équipe les fac-similés mobiles de l’exposition itinérante Lascaux III, avant de se lancer dans la reproduction complète de la grotte ornée pour Lascaux IV. En 2009, il a pris la direction technique de l’atelier.
Un puzzle monumental

À travers les 140 pages de ce beau livre, l’auteur raconte la fabrication de ce puzzle monumental de 53 panneaux, reproduisant avec précision les parois de la plus belle grotte ornée du monde, fermée au public pour être préservée.
Il décrit la ruche de « 34 artistes et techniciens, peignant, sculptant et déplaçant de gigantesques parois de juin 2013 à décembre 2016 ». Il a fallu plus de trois ans de travaux pour tenir les délais. En amont, des mois de préparation et de planification avaient été nécessaires à Francis Ringenbach pour calculer les besoins humains et matériels à cette réalisation.
Sous l’œil des scientifiques
« Nous avions déjà une expérience avec les panneaux de Lascaux III, mais à cette échelle tout était à inventer. Nous devions aussi travailler sous le contrôle des scientifiques en suivant l’avis d’un collège d’experts.»
Tout avait commencé par la réalisation du relevé numérique fourni par les services de l’État. Le laser donne une image en trois dimensions de la grotte originale avec 15 milliards de points. 22 000 photos y sont associées pour figurer le moindre détail. Ce clone numérique servira de repère pour fabriquer les moules fraisés sur d’énormes blocs de polystyrène. Ils sont ensuite modelés et sculptés par les plasticiens pour donner la précision du relief. « Cette phase de modelage de l’épiderme minéral et de ciselage des gravures n’est pas seulement un exploit technique, mais aussi un véritable acte d’art », souligne Francis dans le livre, attentif à reproduire les grains de calcite. Les parois seront moulées à partir de cette matrice avant d’être peintes.
Une pensée en trois dimensions
Dans son rôle de chef d’orchestre, Francis Ringenbach doit travailler avec les architectes qui construisent le bâtiment pour anticiper la logistique d’installation et d’assemblage des parois. De quoi en rêver la nuit. Cet Alsacien installé en Dordogne depuis 1990, révèle un talent qu’il a depuis toujours, qui l’aide pour la conception : « C’est bizarre, mais mentalement j’ai toujours vu les choses en trois dimensions. Je sais les faire tourner dans ma tête ». Pratique pour sculpter.

La reproduction des parois impose aussi de dominer les matériaux. Résines, colles, minéraux, poudre de verre, pigments sont utilisés après de nombreux essais de recettes tenues secrètes. Le technicien artiste doit aussi être un peu Géo Trouvetout. Au fil des pages, on comprend la complexité de ce travail de faussaire, qui demande une cohésion d’équipe : « il faut à tout moment veiller à ce que chacun ait une vision globale de l’œuvre à peindre pour éviter de s’isoler dans son travail ». Il cite au fil des pages les noms de ceux qui se sont impliqués sur le projet. Par exemple, les chefs d’équipe sur lesquels il s’est appuyé : Valérie, Aurélia, Beth et Gilles. Mais la distribution complète des acteurs de Lascaux IV n’est pas oubliée dans le générique de fin.
Complément livre
La partie peinture est la plus spectaculaire, quand naissent point par point les figures de Lascaux sous les pinceaux, en suivant le calque lumineux des projecteurs numériques. Seuls quelques-uns des artistes ont pu aller se rendre compte de l’ambiance et des couleurs dans la grotte originale.
À force de se confronter aux parois, ils sont devenus familiers des gestes des artistes du paléolithique dont ils reproduisent dessins et gravures. Le livre est le complément naturel de la visite du fac-similé, pour comprendre comment il a été réalisé et tout ce qu’il a pu apporter à la connaissance de l’art pariétal.
• “Lascaux 4 en coulisses, la folle aventure d’une reproduction exemplaire”, par Francis Ringenbach (Éditions Sud Ouest, 25,90 euros).
Une nouvelle vie d’artiste

Depuis sa retraite de l’Afsp, l’atelier des fac-similés du Périgord, Francis Ringenbach a pu développer son activité d’artiste sculpteur et peintre. Ses tableaux, où l’on reconnaît souvent le bestiaire de Lascaux, sont autant de fragments de parois minérales qui surgissent des toiles.
Pour ses sculptures, il apprécie le beau marbre de Carrare, mais aussi les bois aux belles veines comme le noyer ou le merisier, ainsi que le métal avec le bronze et l’acier corten.
Il a déjà exposé en Dordogne, mais ses œuvres sont gérées par la galerie PandmArt de Pierre Garnier à Béthune dans le Pas-de-Calais.