Accueil BIEN inséré La ferme d’Ellia, une bulle de bien-être

La ferme d’Ellia, une bulle de bien-être

Ellia en train de donner le biberon à un chaton. ©La ferme d'Ellia
PÉDAGOGIE-INCLUSION. Au creux d’un vallon, à la frontière entre Sarlat et Proissans, Bénédicte Beaudoin, esthéticienne de son état, a créé une ferme unique en Dordogne, où l’on parle d’Ellia, de soins, d’enfance et de médiation animale. Visite guidée avec la propriétaire des lieux.

Voilà cinq ans que la ferme d’Ellia est ouverte. Au cœur de cette ferme associative pédagogique, les cochons d’inde, les poules, les nombreux lapins, les chèvres naines et le poney, en semi-liberté, attendent leurs jeunes visiteurs venus leur donner à manger, les observer et les caresser.

BIEN en Périgord. Qui est Ellia ?

Bénédicte Beaudoin : Ellia c’est ma fille. Elle est autiste. Ses difficultés sont la concentration et la gestion du temps. La vie professionnelle est difficile, les établissements spécialisés ne lui correspondent pas. Il fallait que l’on crée quelque chose. Ellia est passionnée par la nature et les animaux. Nous avons opté pour la ferme pédagogique. Les animaux vivent dans de grands enclos, dans lesquels on peut entrer, nourrir, caresser. On a ouvert cette ferme d’abord à ceux qui ont besoin d’apaisement. Certains passent une demi-journée, une journée, d’autres la semaine. Certains enfants d’Institut Médico Éducatif (IME) viennent tous les mardis. Ce lieu est devenu la bulle de bien être des établissements scolaires ou des structures spécialisées. Ce que l’on cultive ici, c’est la bienveillance !

L’inclusion définie par la loi n’est pas toujours possible ?

B.B : Il existe de multiples formes d’autisme. Il faudrait mettre plus de moyens financiers et humains pour créer des structures souples ! Le problème de communication nécessite une prise en charge individuelle. Les moments collectifs aboutissent à une sorte de parasitage. Ellia, dans un IME, a été en souffrance, car cette dimension d’individualisation n’était pas suffisante. Elle est autonome au quotidien. Elle arrive à aller aux toilettes, mais au moment de repartir, de tirer la chasse d’eau, elle ne le fait pas. Si vous lui dites, elle le fait ! On lui a dit cent fois ! Cela agaçait les éducateurs. C’est dans de tels cas que l’on voit qu’ils ne sont pas assez formés. Lorsqu’on m’a incité à demander la reconnaissance d’autisme, des spécialistes m’ont expliqué que le cerveau n’envoie pas le message. Quand elle se fait disputer cent fois, elle se dévalorise et se dit je suis nulle. Le jour où l’on a compris, cela a changé notre vie et la sienne.

Quel âge avait Ellia quand vous avez posé ce mot sur sa pathologie ?

B.B : Elle avait 18 ans. On l’a fait trop tard. On m’a proposé un foyer occupationnel dans un Institut Médico Professionnel (IMPro), mais Ellia n’a pas de problème d’application motrice. La Maison Départementale pour les Personnes Handicapées (MDPH) nous a énormément aidés. J’ai expliqué que le collectif ne fonctionnait pas mais le duo, oui ! Elle a fait plusieurs stages, dont un au village du Bournat, qui l’a accueillie les bras ouverts. Ils ont été formidables !  Elle s’est retrouvée en duo avec l’animalière. On a trouvé un Établissement et Structure d’Aide par le Travail (ESAT zoo) du côté de Rochefort. Mais dès la première visite, Ellia m’a dit : « Ça ne me plait pas ! Ce que je veux, c’est toucher les  animaux, juste passer la nourriture à travers des grilles, ça ne m’intéresse pas ! » Son visage rayonnant m’a fourni la solution ! Et j’ai trouvé une maison qui avait 4 000 m2 de terrain. Des amis m’ont dit : tu vas passer tes week-end à  tondre !, j’ai répondu : Eh bien nous mettrons des chèvres ! J’ai vu les yeux d’Ellia s’éclairer, est-ce qu’on pourra mettre aussi des petits lapins, des poules ? a-t-elle ajouté.

La solution était d’ouvrir le lieu au public ?

B.B : Oui, il a fallu adjoindre un encadrement, faire payer les visites. On a une petite maison, qui pourrait, à  terme, devenir un lieu d’exposition et un abri en cas de mauvais temps. Nous avons effectué les démarches pour devenir une association d’intérêt général et obtenir des subventions pour la restaurer. Nous proposons une buvette avec des boissons à tout petit prix et une boutique de jouets d’occasion qui permettent de boucler les fins de mois. Les gens donnent ce qu’ils veulent. La ferme reste un lieu de solidarité. Grâce aux dons des jouets, on organise des chasses au trésor où tous les enfants gagnent une récompense.

La problématique d’Ellia sert de modèle ?

BB : Oui car nous recevons des gens qui ont besoin de reprendre confiance en eux, qui subissent du harcèlement scolaire, qui ont peur d’aller à l’école, qui ont perdu confiance en l’autre. On s’y retrouve en individuel : la ferme d’Ellia, c’est ça ! Ils viennent avec un éducateur, participent avec un membre de l’équipe. Ils soignent et nourrissent les animaux.

On va voir les animaux ?

B.B : Il y a cinq enclos. Le premier est consacré aux cochons d’Inde ; une quinzaine dans 100 m2. Ratio très supérieur à celui des cages. Point de roue à faire tourner mais des bancs, des troncs d’arbre, des cabanes dans lesquelles jouer, courir, sauter, s’ébattre. Ils sont dodus car très gourmands. On dose leur alimentation en début de journée, stockée dans une glacière à l’entrée de l’enclos. Les visiteurs entrent avec un petit panier, leur donnent une poignée, sans jamais dépasser leur besoin. C’est la réflexion et la volonté d’Ellia qui ont mis ce fonctionnement en place.  Le nombre d’entrées est limité à une cinquantaine de personne par jour l’été. Ensuite l’enclos des lapins nains, l’enclos des lapins géants, deux cochons vietnamiens cohabitent dans un enclos plus conséquent. Chèvres, poneys, un mouton et depuis peu une chatterie. Les poules ayant le privilège de gambader en toute liberté. Tous les animaux ont un petit nom, un panneau d’affichage sur les enclos arbore leur photo, nom et date de naissance.

Propos recueillis par Laurent SEITMANN