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Des cérémonies funéraires innovantes

©Maëlle Girard
DEUIL. CÉRÉMONIE. Marie-Christine Girard a terminé le mois dernier sa formation de célébrante laïque funéraire, un métier qui se développe peu à peu, et qui lui permettra d'accompagner au mieux les personnes qui n'ont pas réussi à dépasser la perte d'un être cher. Accepter le deuil, en rendant hommage une dernière fois, telle est la mission qu'elle s'est donnée pour les années à venir.

Après une formation au centre bouddhiste tibétain Dhagpo sur l’accompagnement du deuil proposée par Anila Trinlé, Marie a choisi de continuer sur ce chemin, un chemin qu’elle connait bien. Son parcours jalonné de deuils l’a amenée à repenser la manière dont celui-ci est vécu et accompagné aujourd’hui en France.

Une vie parsemée de deuils

Marie-Christine Girard

Sortie à chaque fois des cérémonies avec un gout d’insatisfaction, le besoin d’aller plus loin, de faire quelque chose qui a du sens, s’est manifesté à elle. Lors du décès de son compagnon en janvier 2022, en pleine crise Covid, elle choisit de faire elle-même une cérémonie post funérailles, pour rendre un dernier hommage à celui qu’elle a aimé. Elle se rappelle de cette sensation libératrice : « on sent que quelque chose se dénoue à l’intérieur de soi, que ça fait de la place. On a l’impression de retrouver le lien avec la personne, mais il se situe ailleurs ».

Une formation unique en France

Le métier de célébrant laïque funéraire est un métier émergent aujourd’hui en France. Il consiste à accompagner les proches du défunts dans la construction d’un rituel. L’association SYPRÈS située à Bordeaux propose cette formation, pour la première année. Cette coopérative funéraire s’est s’intéressée à la façon de vivre la perte d’un être aimé, comment accompagner cette séparation forcée, qui s’impose à nous. Former les professionnels à repérer les choses qui peuvent manquer dans les cérémonies « classiques ».

©Association SYPRÈS, promotion 2024

Cette première promotion de 7 participants a réuni différents corps de métiers. Association d’artistes rendant visite aux personnes en fin de vie, maitres de cérémonie insatisfaits de la façon dont s’exerce leur métier, ou encore ceux qui dans leur expérience ont approché le deuil, souvent. Cette formation qui existe en Suisse, se développe peu à peu dans nos pays occidentaux. Dans les pays où la mort n’est pas tabou, cet accompagnement se fait naturellement. Dans la religion musulmane par exemple, ce sont les proches du défunt qui s’occupent de la toilette funéraire. Laver le corps d’un proche, pour lui rendre un dernier hommage.

Durant sa formation à SYPRÈS, Marie a passé au crible le fonctionnement du système funéraire en France (pompes funèbres, législation, administratif…). Coté éthique, le système funéraire est parfois ressenti comme un marché, où l’aspect financier règne, au détriment d’une réelle prise en compte des besoins des proches. L’association SYPRES a décidé de voir les choses différemment, pour que la cérémonie soit au coeur du projet.

En proposant par la même occasion une démarche écologique, l’association vise également une prise en considération des enjeux environnementaux. En évitant par exemple de pousser à l’utilisation de produits chimiques pour maintenir le corps en bon état le plus longtemps possible (ces produits sont très polluants), ou encore en proposant des cercueils qui ne soient pas dans la luxuriance. L’idée est de simplifier, d’inviter à une certaine sobriété, le cercueil permettant simplement au corps de transiter vers un autre monde.

Les secondes funérailles

©Maëlle Girard

Après la formation, il est possible de travailler directement en lien avec les pompes funèbres, en tant qu’intervenant extérieur. Mais pour Marie, une autre envie se dessine. Les contraintes liées au monde funéraire sont nombreuses (administration, mairie, mise sous scellé par la police, transporteurs…). Beaucoup d’interlocuteurs sont au coeur du processus, et les choses sont codifiées dans le temps et dans l’espace (temps de parole imparti, etc).

« Il y a très peu de temps de préparation, et parfois les maitres de cérémonie n’ont pas le temps de rencontrer la famille avant de faire un discours. Les gens peuvent alors ressentir un manque à la fin de la cérémonie, d’où la nécessité de faire un deuxième rassemblement : les secondes funérailles ».

Marie a donc opté pour une autre façon d’être en soutien des familles endeuillées. Les « secondes funérailles », sont une manière de rendre un hommage plus intime, plus long, et plus profond, à ceux qui se sont envolés.

Devenir acteur de sa cérémonie

Ces secondes funérailles sont l’occasion de dépasser un sentiment d’inachevé. A ceux qui restent avec un goût d’insatisfaction après une cérémonie classique. Manque de temps, maitre de cérémonie trop éloigné émotionnellement de ce qu’il se passe, regret de ne pas avoir parlé… A tous ceux qui éprouvent le besoin de dénouer une expérience de deuil mal vécue ou pour qui il a manqué quelque chose.

L’idée est de cocréer, en lien avec la personne, une nouvelle cérémonie. Qu’il s’agisse d’un lieu qui est parlant pour elle (un lieu du passé, une maison, une forêt..), d’une date importante, ou de proches avec qui elle a envie de rendre cet hommage. Marie intervient à ce moment là, pour aider à la création d’un rituel qui fonctionne et qui résonne (choix du lieu, musiques, textes, organisation et encadrement de la cérémonie). Cette étape est cruciale, puisque c’est là où les gens se sentent vraiment écoutés, accompagnés. Cela permet aussi que les choses se déroulent avec fluidité, les proches n’ayant pas toujours la force de porter toute l’organisation.

« Une envie de connecter avec celui qui est parti, de le célébrer, dans toute sa vie, et tout son être ».

©Maëlle Girard

C’est aussi l’envie de créer quelque chose qui résonne avec soi, une cérémonie dans laquelle on peut être partie prenante, où l’on peut agir, pour enlever la frustration de ne pas avoir pu être réellement acteur de ces adieux. Pour d’autres qui n’ont pas pu être présents à la cérémonie funéraire d’un proche (en mauvais termes avec la personne défunte, période du Covid, en vacances), il peut y avoir un véritable manque, la sensation que quelque chose n’est pas fini, ou encore le sentiment de culpabilité de ne pas avoir été là. « En fait, les secondes funérailles servent chaque fois qu’il y a ce sentiment de raté, d’avoir manqué, qu’on peut trainer toute sa vie… ». Mais il est aussi possible d’éprouver le besoin de refaire quelque chose aux dates anniversaires quand les émotions remontent à la surface, refaire une cérémonie.

« A chaque fois qu’on ressent le besoin de revisiter, de réajuster quelque chose, il est possible de créer une cérémonie adaptée à chaque personne et à chaque situation, en devenant acteur de son deuil. »

Un rituel réparateur

Le fait de créer un rituel adapté peut aider à libérer de ce sentiment d’impasse, d’impuissance. Aider à lâcher le passé, et faire de la place, pour pouvoir s’ouvrir au renouveau. La rituel va permettre d’accompagner cette transition. « On retrouve ca dans toutes les sociétés traditionnelles, peuples premiers, ces rituels de transition, de passage ». En préparant la cérémonie, cela permet aussi de se réconcilier avec la notion de mort, l’approcher sous un angle moins angoissant. La rendre plus naturelle, la dédramatiser. Comprendre que cela fait partie du cycle de la vie qui n’est que mouvement, début et fin.

©Maëlle Girard

Pour Maryannick, refaire une cérémonie serait salvateur: « J’ai perdu mon frère du SIDA. Ma famille n’acceptait pas son homosexualité, et a été jugeante par rapport à sa mort. Il n’y avait ni cohésion ni amour pendant que nous lui disions adieu. Pour moi, c’était une cérémonie gâchée. J’aimerais refaire quelque chose qui rende vraiment hommage à mon frère. »

 

D’autres types de deuil…

Pour Marie, le deuil a un sens bien plus large que celui qui est communément admis.

« Les secondes funérailles ne s’arrêtent pas à la perte d’un proche, elles viennent accompagner tous les deuils de la vie ».

Deuil vient de « douleur »  qui signifie « perte douloureuse ». Chaque fois que l’on a perdu quelque chose, que cela s’impose à nous, une rupture, un déménagement non souhaité, un changement professionnel mal vécu. Tous ces changements qui peuvent être radicaux, soudains, et violents, sont autant de deuils qu’il est possible d’aller explorer au travers d’une cérémonie. Pour se rappeler, se réparer et avancer.

Contacts :

Marie-Christine GIRARD : marie-eyzies@orange.fr / 06 07 50 91 60

Coopérative Funéraire SYPRÈS : 57 Bd Président Franklin Roosevelt, 33400 Talence – 06 60 63 86 28