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Innovation et produits du terroir au cœur de l’espace recherche du Campus Périgord

De gauche à droite : Anja Rakotondramavo, Sullivan Renouard et Catherine Verret. ©BEP
Recherche scientifique. Depuis 1992, l'équipe de recherche du Campus Périgord s'est notamment concentrée sur des projets de physico-toxico-chimie de l'environnement et de biologie, mettant en avant une approche ancrée localement. Lors de nos entretiens avec deux enseignants-chercheurs, nous avons découvert leur engagement spécifique dans les techniques de conservation agroalimentaire et l'extraction de molécules d'intérêt, avec une attention particulière portée à l'analyse des produits locaux du Périgord.

Catherine Verret, maitre de conférences en biochimie et nutrition, et Sullivan Renouard, maître de conférences en valorisation des molécules végétales par leur formulation, ont accepté de répondre à nos questions, partageant ainsi leur expertise dans leurs domaines respectifs et les projets sur lesquels ils sont investis à l‘Espace recherche du Campus Périgord. 

Le genévrier porteur de molécules anticancéreuses

Financé par la Ligue contre le cancer de Dordogne, le travail de recherche de Sullivan Renouard s’est concentré sur l’extraction de molécules anticancéreuses (polyphénols). Durant trois ans, l’enseignant-chercheur a passé au crible des végétaux contenant des molécules anticancéreuses, en raison de la pénurie de la plante source victime de surexploitation. De nombreux mois lui ont été nécessaires pour cibler une plante qui ne soit pas en voie de disparition, pousse facilement et rapidement, contienne suffisamment de molécules dans la feuille, afin de ne pas tuer la plante en les recueillant, et qu’elle produise d’une année à l’autre la même molécule.

Son choix s’est porté sur une espèce spécifique de genévrier dont il a cherché à extraire les molécules, grâce à des machines et des procédés d’extraction éco-responsables (haute pression, ultrasons) permettant de fragmenter les cellules et de libérer les molécules. « Entre 7 et 8 000 molécules différentes sont extraites en même temps de chaque cellule, explique Sullivan. Il s’agit de toutes les séparer pour voir s’il y a celle qui nous intéresse, et la quantifier ».

S’ensuit un méticuleux travail de dosage consistant à entrer différents paramètres : de temps, de température, de solubilité, soit des milliers de combinaisons possibles à tester. « Une étape facilitée grâce à des modèles mathématiques, intervient Catherine Verret, pour orienter les manipulations et pour effectuer des analyses ».

Après cette longue phase d’étude et d’optimisation de l’extraction, l’enseignant-chercheur a publié ses résultats, susceptibles désormais d’être exploités par l’industrie pharmaceutique qui pourra réaliser une étude de faisabilité à plus grande échelle. Le fait qu’il s’agisse d’une espèce courante, vendue en pépinière et pouvant être multipliée à l’infini induisant un coût plus intéressant.

Désormais, Sullivan Renouard mène un autre projet d’extraction de molécules de plantes avec une application en santé. En collaboration avec un collègue à Bordeaux qui conçoit des prothèses osseuses en biocéramique, il veut désormais poser les molécules extraites sur les prothèses, afin de favoriser la cicatrisation, lutter contre l’inflammation et les risques d’infection. Un projet qu’il est en train de rédiger avant de se mettre en quête de financements.

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Un label truffe de Dordogne

Catherine Verret travaille quant à elle sur la partie conservation en agroalimentaire, en étroite collaboration avec l’Écomusée de la truffe. Tuber melanosporum ou truffe noire est une espèce produite en Périgord mais pas seulement ; on peut la retrouver dans de nombreux pays. Financé par Le Grand Périgueux, le projet de label sur lequel s’investissent Catherine Verret et son équipe permettrait ainsi d’établir clairement sa provenance.

Cela implique un effort significatif dans la définition de cette qualité en collaboration avec Imasens, suivi par une exploration exhaustive des différentes techniques de conservation de la truffe, qu’elles soient classiques ou novatrices. L’objectif est d’examiner et de mettre à l’épreuve diverses méthodes visant à préserver la qualité de la truffe, telles que la stérilisation, la congélation, des techniques plus industrielles comme la lyophilisation, ainsi que des approches innovantes telles que la haute pression et les ultrasons.

Le travail de microbiologiste consiste à effectuer le traitement et la mesure du taux de micro-organismes sur une durée allant de 10 jours (conservation sous vide), à un an (stérilisation et surgélation), et de réaliser régulièrement des analyses pour voir comment évolue le produit, notamment grâce à la colorimétrie (changement de couleur ou d’aspect). « L’idée étant, explique Catherine Verret, de faire émerger les techniques les plus intéressantes pour pouvoir ensuite les tester au niveau organoleptique ».

Il s’agit de montrer ce qu’apportent la haute pression, les ultrasons, et quel avantage présentent ces techniques. « Moins violente que la température qui détruit les arômes, la haute pression est plus douce, souligne Catherine Verret, et permet de les préserver, en sachant que la melanosporum est l’une des variétés les plus sensibles à la température ».

Tout ce travail sur la qualité, à la fois dans la limitation des micro-organismes et de préservation des arômes et de l’aspect, donne également lieu à des projets avec les étudiants. « Supervisés par Anja Rakotondramavo, poursuit Catherine Verret, les jeunes en génie biologique, ont fait une confiture de poire dans laquelle ils ont ajouté de la truffe. Elle est commercialisée à l’Écomusée depuis le 16 décembre 2023.

Nous effectuons également des analyses pour différencier les différentes espèces, comme Melanosporum et Brumale par exemple, indique Sullivan. Ce qui conduira à une étude des techniques à mettre en place pour faire ces différences-là, toujours dans le cadre du label qualité, conclut Catherine ».

Exploration des potentialités de valorisation du tourteau de noix

Le dernier projet porté par Anja Rakotondramavo concerne la valorisation du tourteau de noix. Si des études existent actuellement autour de la noix, elles concernent plus particulièrement les lipides. Très peu utilisé si ce n’est de façon anecdotique dans l’alimentation animale, le tourteau de noix finit le plus souvent en déchet. Il s’agit donc d’étudier les différentes pistes de valorisation de ce coproduit alimentaire non utilisé. Anja travaille plus particulièrement sur la portée protéique. Comment extraire les protéines et analyser leurs propriétés physico-chimiques, fonctionnelles (aspect texturant, nourrissant, émulsifiant, antioxydant…) ou nutritionnelles. Pourront-elles un jour remplacer les protéines animales ? autant de questions et de pistes à investir.