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Esthète Bibichette

POLAR EXPRESS. L’histoire vaut autant pour la manière dont elle est narrée que pour son intrigue : c’est le style qui interpelle d’abord, contribuant à installer une ambiance cartoonesque dans ce noir délire, une trame sombre sur fond rose bonbon, ce que promet déjà la couverture.

L’auteur joue avec les mots autant qu’avec les situations, il les mâche et les transforme avec une délectation communicative, imprimant un rythme que l’on se met en bouche lentement jusqu’à lire à haute voix pour entrer dans la machine qu’il a lancée à si belle allure de sa pure imagination jusqu’à nos yeux et nos oreilles. L’intrigue pulse, la langue impulse, efface les points de la ponctuation pour empêcher les arrêts inopportuns : on est à bord de cet Ovni et pas question de lâcher les deux protagonistes promis à un télescopage certain. Touche-à-rien, c’est lui, et Suite-dans-les-idées, c’est elle, suivent un chemin à rebours, du pire au meilleur et inversement. Il a sa femme et son fils sur la conscience, des morts à expier ; elle n’aspire qu’à une vocation de serial-killeuse, un passé doucereux à saborder. Il sort de prison, auréolé d’une réputation de saint ; on lui donnerait le bon-Dieu sans confession : que croyez-vous qu’il se passera ?

Coup de garce

Comme c’est « une histoire sans sexe, pour reposer la libido », inutile de chercher de ce côté-là. L’auteur fait trouver à son héroïne obsessionnelle le mot juste dans le dico pour pulvériser la bienveillance, la gentillesse, la compassion. Il se joue de l’usage de mots surannés et de “vilaines allitérations” — homicide ô Mon Dieu, hache-hargne — en entonnant des antonymes, il se moque des avocats, de la presse, du microcosme de notabilités locales, il force le trait des opposés qui s’attirent irrésistiblement dans une relecture de la Belle et la Bête, il s’amuse et nous avec de la rédemption du criminel évangélisateur, de la “star œcuménique” et du dérapage contrôlé de la sainte-nitouche. Disons-le, puisque le plaisir de cette lecture dépasse l’objet du récit : il périra par où il a prêché, coincé entre l’arme fatale de la Vierge et du supplicié le plus célèbre du monde. La Bible, passeport pour la liberté ? Plutôt pour l’éternité, qui arrive parfois plus tôt que prévu. Comme une injustice. Un coup de grâce.

77 pages chrono

Hervé Brunaux nous balade du co(s)mique de répétition aux frictions de la fiction : la poésie et la langue qu’il invente permet tout cela en 77 pages chrono et quatre chapitres : thèse, antithèse, synthèse… et prothèse. Foutaise ? Attendez l’arrivée du commissaire, sur le dernier sprint, pour la surprise du point final.

Destiné “à personne” en intention, ce Bibichette exposé en couverture entre colt noir et rose Barbie a d’abord vécu à l’oral avant de devenir un livre, publié chez LansKine : on imagine en effet assez bien l’ouvrage en lecture publique, comme l’auteur s’en est déjà emparé avec Frédérique Soumagne lors du festival VoixVives en juillet dernier à Sète et on espère qu’il le mettra à portée d’oreilles des Périgourdins lors du prochain Expoésie, festival qu’on lui doit, tout comme la revue Ouste.