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Un sol vivant, sinon rien

Sophia et Marc en plein exposé. ©BEP
RESTAURATION DES SOLS. Sophia Bloch, docteure en biologie et spécialiste des sols, et Marc Derelle, ingénieur et analyste laboratoire biologique ont créé en janvier 2023 l’association Les Compagnons du Sol basée à Thénac, afin de sensibiliser le plus grand nombre à la régénération des sols.

Au-delà de l’expression, réside la réalité : rien ne pousse dans un sol mort. Or, pas de plantes, pas d’abri ou de nourriture pour l’ensemble de la chaîne alimentaire qui vit sur le sol. Ces espèces – dont la nôtre – dépendent donc de celles vivant dans le sol. À cet égard, Sophia Bloch et Marc Derelle proposent de nouvelles solutions pour rétablir ce cycle vital, en se basant sur les principes du Soil Food Web d’Hélène Ingham.

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Du labo à la terre

Sophia et Marc se sont rencontrés lors d’une formation complémentaire sur la biologie des sols. Elle vit depuis 5 ans maintenant en Périgord où elle a construit son réseau. Marc l’a rejointe au départ pour 6 mois puis, Covid aidant, a finalement décidé d’y poser ses valises. « Je travaillais auparavant en Australie et, à l’occasion d’un projet pour le gouvernement, j’ai rencontré des professionnels du sol, explique-t-il. Ils m’ont donné envie de me reconvertir dans ce secteur. » D’échanges en échanges, ils créent chacun leur activité professionnelle indépendante mais complémentaire.

« Nous voulions sortir du laboratoire pour aller à la rencontre des acteurs sur site, construire des ponts entre la recherche et le terrain en apportant de la substance scientifique compréhensible », ajoute Marc.

Une chaîne dans le sol

26 % des espèces connues sur Terre vivent dans le sol, dont 90 % dans les 15 premiers centimètres.

Les bactéries et les champignons sont les décomposeurs de la matière organique (feuilles, bois morts, dépouilles d’animaux…) : cette matière transformée en nutriments est stockée dans leurs parois. Il faut ensuite l’intervention de leurs prédateurs et des prédateurs de ceux-ci pour libérer lesdits nutriments dans le sol : dans l’ordre du mangé au dernier mangeur, les protozoaires (amibes, ciliés…) puis les nématodes et microarthropodes. Ensuite seulement, les plantes pourront se nourrir de l’azote, du phosphore, de la potasse et autres minéraux délivrés par ces minuscules faiseurs de vie.

Des analyses qui en disent long

Les microscopes de Sophia analysent des prélèvements de sols afin d’examiner quelle quantité de ces êtres vivants ils renferment. En fonction des résultats, Marc va lancer la production de micro-organismes – soit du compost sur-mesure – qui permettra la régénération de sols fertiles. Deux applications liquides sont possibles suivant les problématiques, sous forme d’extrait épandu au sol ou sous forme de thé pulvérisé sur les feuilles.

« Nous accompagnons un viticulteur du Bergeracois qui a semé des engrais verts entre ses vignes. Après analyse, nous avons trouvé des bactéries mais pas de champignons ou autre prédateur. Les bactéries se développent trop, consomment plus d’oxygène ce qui entraîne une compaction du sol et le dégagement d’ammoniac dans l’atmosphère puisque l’azote se trouve en milieu anaérobie (sans oxygène). Cela montre que les engrais verts seuls ne suffisent pas forcément, il faut rééquilibrer la chaîne de prédation et nos composts servent à cela », illustre Marc.

La terre est analysée régulièrement tout au long du process : quand l’équilibre est revenu, il n’y a plus besoin de traitements d’aucune sorte.

Un procédé respectueux de la nature

Les terres ne sont pas très riches en Dordogne, Lot-et-Garonne et Gironde mais comme le démontre Marc,

« cette méthode a permis de régénérer des sols désertiques en Israël, en Algérie et au Maroc. C’est donc largement possible ici. »

A chaque terroir, ses caractéristiques. Toute fabrication de compost se fait localement : il est ainsi adapté à la microfaune et aux plantes endémiques, donc plus efficace.

Par ailleurs et comme l’indique Sophia, « la nature n’aime pas les changements rapides, elle est résiliente dans le temps. En analysant régulièrement des échantillons du sol, nous ajustons les apports : trop concentrés, ils seraient nuisibles. Il faut laisser du temps pour que la nature fasse le travail. »

Le message est clair, il devient urgent de ralentir et de regarder d’un autre œil, aidé d’une loupe ou d’un microscope, toutes ces petites bébêtes et organismes essentiels dans le cycle du vivant. L’association Les Compagnons du Sol en a fait son principal objectif.

« D’un commun accord, nous consacrons 30% de notre temps à l’association à but non lucratif, précise Marc. Nous proposons par exemple des ateliers pour permaculteurs. Nous souhaitons aussi démontrer que le compost n’est pas qu’un tas au fond du jardin mais un lieu de vie et d’équilibre extraordinaire. »

Pour les soutenir et la nature avec, vous pouvez voter pour leur projet au budget participatif d’ici le 22 octobre. https://www.lescompagnonsdusol.org/budget-participatif

Myriam POUPARD

Des tests simples et efficaces

Invités par la SCIC Au Ras du Sol dans le cadre de la Semaine du Sol Vivant, Sophia et Marc ont éclairé les associés présents de leurs lumières biologiques. Ils ont également illustré leurs propos avec le test dit « de la farine », complété par celui non officiel mais très efficace du pain de mie.

Verser un peu d’eau doucement sur un petit tas de farine : la matière poudreuse superficielle est entraînée vers la base du cône et charge l’eau de ses particules. C’est l’illustration de ce qui se passe lorsqu’il pleut sur un sol mort et compact : le sol est lessivé et n’absorbe pas l’eau, il favorise les inondations. Lorsque le soleil revient, le sol durcit de nouveau et lorsqu’il vente, la poussière est emportée et accroit la pollution atmosphérique.

Procédez de même sur le pain de mie : l’eau est absorbée et stockée en réserve. S’il pleut beaucoup, l’eau est filtrée (elle reste claire contrairement au test avec la farine). C’est à l’image d’un sol vivant.

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