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Bergerac : la fête de la Vinée

©IVBD
CÉLÉBRATIONS. Samedi 9 juillet, l’Interprofession des Vins de Bergerac Duras et la ville de Bergerac célèbrent les 700 ans de la Vinée avec un programme d’animations et de rencontres patrimoniales. L'occasion de (re)découvrir le terroir et son histoire.

« C’est le 16 janvier 1322 que Renaud de Pons, Seigneur de Bergerac, a concédé aux consuls de l’époque le droit d’apposition de la marque de feu – une patte de griffon- sur les fûts de Bergerac sortant du territoire de la Vinée de Bergerac. Le Consulat était né. L’histoire a fait le reste. À nous de la faire revivre. » L’invitation du Grand Maître du Consulat de la Vinée de Bergerac, Paul-André Barriat, rappelle que le vignoble est source de prospérité de la cité bergeracoise depuis des siècles et qu’il constitue toujours une belle part de son poids économique et de son attractivité.

La Confrérie des Vins de la Vinée de Bergerac, reconstituée en 1954, est mobilisée pour cet anniversaire qui donne l’occasion de remonter le cours de l’histoire pour suivre l’évolution du vignoble. Bergerac est située au cœur d’une région éminemment viticole où la concurrence fut souvent rude, mais on observe que ce vin a toujours fait tourner les têtes puissantes…  Ainsi, dès 1241, le roi d’Angleterre Henri III Plantagenêt (1207-1272), à la demande des bourgeois de Bordeaux, ordonne d’arrêter et de retenir tout ce qui viendrait de Bergerac, hommes, vins et marchandises. La vente des vins de Bergerac vers l’Angleterre se développe pourtant malgré ce Privilège de Bordeaux et, au siècle suivant, alors que l’accès des vins descendant la Dordogne vers la Gironde est toujours contrôlé, fleurit le Privilège de Bergerac : nul ne peut faire entrer de vin dans Bergerac s’il n’est bourgeois.

Du vin au long cours

« Froissart relate dans ses chroniques qu’en 1345, à la veille du siège de Bergerac par l’armée du comte de Derby, les Anglais “passèrent la nuit en réjouissances et burent quantité de bons vins qui leur coûtaient peu !” lit-on dans les archives de l’Interprofession. Au XIVe, l’ancien vignoble s’étendait sur un territoire bien délimité appelé vinée, préfiguration de ce que seront les zones d’appellation contrôlée.  Elle regroupe alors les vignobles situés au nord de la ville, depuis la Dordogne jusqu’à la paroisse de Maurens et sa juridiction (Campsegret, Ginestet et Sainte-Foy des Vignes) et s’étend vers l’est jusqu’à Mouleydier (avec Creysse et Lembras). Avec l’achat progressif du vignoble de Monbazillac par les bourgeois de Bergerac, elle s’étendra vers le sud pour former à partir de 1495 la Vinée sud de Bergerac.

L’occupation anglaise, durant trois siècles, créé de solides relations commerciales jusqu’à la fin du XVe. Après les Anglais, les Hollandais deviennent les principaux acheteurs de vin de Guyenne, « surtout des vins de Bergerac et Sainte-Foy, sur la rivière Dordogne ».

Au XVIIe siècle, les négociants flamands s’implantent sur le quai des Chartrons à Bordeaux et les Provinces Unies (Pays-Bas) deviennent la première destination des vins de Bordeaux… en contribuant aussi au développement de ceux de Bergerac, notamment les blancs.

À partir 1662, les persécutions religieuses poussent de nombreux protestants bergeracois et de toute la Guyenne à s’exiler. Ils s’établissent en Hollande et fondent des affaires commerciales : les liens conservés avec le Périgord expliquent l’intérêt pour les vins de Bergerac dans ce pays. Et bien au-delà car Frédéric II, le roi-philosophe de Prusse (1712-1786), sur les conseils de son médecin français La Mettrie et de son chef cuisinier André Noël, natif de Périgueux (1726-1801), faisait venir à grands frais son vin préféré de Monbazillac.

Au XVIIIe, le vignoble se spécialise avec la naissance du Pécharmant pour le rouge, le Rosette conservant la production de vins blancs non liquoreux, alors considérés comme les meilleurs de la rive gauche de la Dordogne (André Jullien, Topographie de tous les vignobles connus). Le phylloxéra, qui s’insinue en Bordelais à partir de 1869, détruit l’essentiel du vignoble bergeracois en 1881, réduit de 10 700 à 2 180 hectares. En 1882, les derniers pieds de vigne qui ont résisté sont emportés par les gelées hivernales.

Renaissance et appellations

En 1909, le conseil d’État définit la délimitation de l’appellation d’origine Bordeaux et 41 communes de Dordogne comptent dans cette zone : dans le canton de Vélines (Carsac, Minzac, Montpeyroux, Saint-Martin de Gurçon, Saint-Méard de Gurçon, Villefranche-de-Lonchat), dans le canton de Sigoulès (Cunèges, Flaugeac, Gageac et Rouillac, Mescoulès, Monbazillac, Monbos, Monestier, Pomport, Puyguilhem, Razac-de-Saussignac, Sigoulès et Thénac), dans le canton de la Force (Prigonrieux), celui d’Issigeac (Bouniagues, Colombier) et celui de Bergerac (au nord de la voie ferrée Libourne-Le Buisson, Lembras, Saint-Laurent des Vignes et Saint-Nexans). La greffe ne prend pas… La décision est définitivement annulée deux ans plus tard, en 1911, par la décision de limiter l’appellation Bordeaux aux communes de Gironde.

Le syndicat viticole de Rosette-Pécharmant naît le 2 mai 1943 et l’appellation d’origine contrôlée Rosette est accordée aux communes de Bergerac (en partie), Creysse, Ginestet, Lembras, Maurens et Prigonrieux le 12 mai 1946. Dans le marasme économique viticole de l’après-guerre, l’urbanisation de Bergerac empêche le développement de la production : la superficie du vignoble n’est que de 209 hectares en 1953. Les gelées de février 1956 détruisent une grande partie du vignoble bordelais tandis que la production de vins dans l’appellation Rosette disparaît carrément (cette appellation sera relancée au milieu des années 1960 grâce à un viticulteur rapatrié d’Algérie).

Les AOC Bergerac, Bergerac sec, Côtes de Bergerac, Côtes de Bergerac Moelleux, Monbazillac sont reconnues depuis 1936 ; Montravel, Côte de Montravel et Haut Montravel et Côtes de Duras depuis 1937 ; Pécharmant et Rosette depuis 1946 ; Saussignac depuis 1982 ; Montravel rouge depuis 2001.

En 2014, le Conseil Interprofessionnel des Vins de la Région de Bergerac et le Conseil Interprofessionnel de Duras ont fusionné en une Interprofession des Vins de Bergerac-Duras. À Bergerac, le Quai Cyrano est une porte d’entrée idéale pour découvrir le vignoble, le point de départ de la route des vins qui conduits à 130 domaines. Situé dans le Cloître des Récollets, qui reçoit régulièrement des concerts et expositions, cet espace regroupe culture, vin et tourisme, on peut acheter près de 200 références de vins, les déguster sur la terrasse en surplomb du vieux port et de la Dordogne. Jusqu’à mi-septembre, chaque jour, un vigneron est présent pour faire découvrir son métier et ses productions.

Sources : André Jouanel, conservateur des Archives municipale, Bergerac et la Hollande, 1951. Documentation IVBD.

Tout un programme

À l’issue d’une longue procession du Consulat de la Vinée à travers la ville, au son des bandas, une séance de marquage au feu des barriques des appellations de la Vinée est prévue sur le quai d’embarquement avant la cérémonie de célébration des 700 ans de la Vinée, Cloître des Récollets. Ce temps fort sera suivi, dans la pure tradition du chapitre, par l’intronisation du maire de Bergerac, Jonathan Prioleaud. Après un apéritif grand public Quai Cyrano, un rendez-vous festif clôturera la célébration sur la rive gauche face au port : ce grand banquet médiéval sera rythmé d’animations théâtrales et musicales (sur réservation).

La confrérie lors des 80 ans de l’appellation Bergerac, sur les quais de la Dordogne ©IVBD

Confréries bachiques ?

Les Confréries témoignent d’une partie de l’histoire du vignoble, avec un rituel conçu pour « préserver et respecter la connaissance et l’esprit d’une région, d’une province, d’une coutume ». La plupart datent de la seconde moitié du XXe siècle, même si certaines peuvent justifier d’origines très anciennes, comme la Vinée de Bergerac. Au XIIe siècle, le déclin du système féodal a peu à peu développé l’autonomie des collectivités locales qui, pour s’administrer en dehors des contrôles seigneuriaux, se dotèrent d’institutions gérées par des notables (corporations). Dans les régions viticoles, elles supervisaient la réglementation de l’élaboration du vin, l’entraide entre vignerons et l’arbitrage des litiges. Les consuls fixaient la date des vendanges et n’admettaient dans les remparts de la ville que les vins issus des vignobles appartenant aux bourgeois.

Leurs pouvoirs allaient parfois au-delà de la sphère viticole : la Jurade de Saint-Émilion ou à celle de Bergerac assuraient quasiment la gestion de la ville. Les plus anciennes confréries sont Antico Confrarie de Saint Andiu de la Galiniero à Béziers (1140), la Jurade de Saint-Émilion (1199), le Consulat de la Vinée de Bergerac (1352) et la Commande majeure du Roussillon (1374).

Les membres de la Vinée de Bergerac, unis dans des liens d’amitié et de solidarité sont autant d’ambassadeurs qui assurent la promotion des produits du terroir. « Pour entrer dans la confrérie, il faut être un véritable amateur de vin et se sentir prêt à se dévouer à sa promotion et à la glorification du terroir viticole. Chaque futur impétrant doit être présenté et parrainé par un membre dignitaire du Consulat de la Vinée de Bergerac. »

Le Consulat de la Vinée de Bergerac, confrérie qui dépend de l’autorité de l’IVBD, représente les 13 appellations du Bergeracois. Près de 2435 personnes ont été intronisées depuis 1954. Le rythme actuel, excepté la période Covid, est de deux grands chapitres par an, soit une dizaine d’impétrants. Le Consulat a officié au format XXL en 1986 et en 2006 à l’occasion du Congrès de la fédération internationale des confréries bachiques, avec 10 nations, 35 confréries et 250 participants reçus à Bergerac.