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Au pas des moutons d’Argentine

Éco-pâturage Biodiversité Nature Balade
Hélène, son troupeau, Sally, Rebelle et Uther, les deux patous. ©Hervé Loubet
PASTORALISME. Les moutons d’Hélène et Got arpentent le Périgord d’est en ouest au fil des saisons. Nous les avons rencontrés en décembre sur le plateau d’Argentine, près de Mareuil, sur la commune de La Rochebeaucourt-et-Argentine.

Le troupeau est sous la houlette de deux bergers, Hélène et Got, de Sally, un chien de troupeau, et de leurs deux patous, Rebelle et Uther.* Les 60 brebis et 10 chèvres broutent sur les pelouses sèches afin de limiter la fermeture du paysage en raison de l’embroussaillement et de la progression de la forêt.

Un bel exemple d’éco-pâturage

Une grande partie du plateau d’Argentine est classée site Natura 2000 depuis 2007 ; la commune de La Rochebeaucourt et Argentine est propriétaire de près de 70 hectares de ces pelouses calcicoles. Le Conservatoire d’Espaces Naturels de Nouvelle Aquitaine et le Parc Naturel Régional Périgord Limousin, avec l’appui de la commune, ont mis en place cette action d’éco pâturage pour plusieurs années. Ils ont fait appel aux deux bergers sans terre, qui assurent la transhumance du troupeau depuis leur terrain de Bourdeilles. L’objectif de ce pâturage est de maintenir la biodiversité et de recréer une économie sur des territoires qui semblaient voués à disparaître.

 Le pâturage libre que nous pratiquons au long de l’année, permet à nos animaux de brouter sur des parcelles différentes au fil des saison, de profiter d’une grande variété d’herbes et de feuilles afin de leur permettre de se nourrir au mieux, tout en pâturant sur les parcelles qu’on nous prête, nous explique Hélène la bergère lors de notre rencontre. Notre troupeau peut alors rester plusieurs jours sur un secteur si les surfaces y sont suffisantes. Par exemple sur le plateau d’Argentine, malgré la saison hivernale, nous allons rester jusqu’à la dernière quinzaine de janvier avant de retourner à Bourdeilles pour assurer les agnelages. 

La brebis des broussailles : Xaxi Ardia

Hélène a découvert dans les Pyrénées la race locale Xaxi Ardia (appelée aussi la Petite Rousse). Avec de grandes pattes, elle sait très bien s’adapter à tous les terrains secs et embroussaillés. Son épaisse toison la protège des grosses pluies. Hélène a travaillé avec Thérèse Kohler, une autre bergère sans terre, qui fait pâturer ses moutons à la Ferme du Parcot, et dans les alentours de l’étang de la Jemaye. Le troupeau d’Hélène et de Got est issu de cette rencontre. Un échange entre passionnés et amateurs de garde alternées. Alternance de gardes avec les bergers et les chiens une grande partie de la journée, puis, le soir, le troupeau et ses patous sont parqués avec des filets de clôtures mobiles.

Les deux patous sont incorporés au troupeau toute l’année, ajoute Hélène. Ils sont là pour éloigner les éventuels prédateurs à deux et quatre pattes. Lors des gardes, c’est Sally qui maintient la cohésion du groupe, même si les chèvres ont tendance à être plus indépendantes et à s’aventurer dans les reliefs les plus pentus. Notre bouc et les deux béliers (de races Xaxi Ardia et Tarasconnaise), disposent aussi de belles parures qui impressionnent les randonneurs que nous croisons lors de nos déplacements.
Nous trayons nos chèvres pour réaliser nos propres fromages mais elles ont aussi un rôle dans le troupeau. Elles soudent le troupeau, ferment la marche et avec leurs longues cornes elles défendent les brebis contre les prédateurs opportunistes.

Le plateau d’Argentine un lieu à préserver :

Sur ce grand causse situé à la limite du Périgord et du pays Charentais, la pelouse calcaire est envahie par les buissons, arbustes et des pins sylvestres. Ce coin de nature bénéficie d’une attention soutenue de la part des naturalistes. Il a été décidé de mettre en place un pâturage tournant pour rouvrir le paysage et préserver ce riche biotope :
→ 350 espèces végétales recensées dont 25 espèces d’orchidées, 200 espèces animales répertoriés, dont les derniers lézards ocellés du Périgord. Et côté insectes, c’est le papillon Hermite qui attire l’attention par sa raréfaction.

Le pâturage est une solution aisée pour inverser la tendance. Lorsque l’on jette un simple regard sur ces pelouses, elles semblent appauvries alors que la flore y est plus riche qu’il n’y parait. Les moutons s’y plaisent confirme Hélène. C’est une alimentation rare mais riche, d’ailleurs nos animaux sont repus chaque soir.

Les brebis viennent au secours des orchidées en débroussaillant les versants du plateau, favorisant le biotope lumineux et séchant propice à cette flore calcicole. Tout autour de ce plateau, de nombreux chemins de randonnée invitent à la découverte de ce milieu surprenant, avec, en perspective un magnifique panorama sur le château de Villebois-Lavalette.

Hervé LOUBET

* Depuis notre reportage, Uther a fait un arrêt cardiaque à seulement 9 mois, en pleine garde du matin. Un grand vide difficile à combler et une perte importante, à un mois des premiers agnelages.