C’est une entreprise à taille très humaine, de celle que l’on mesure à l’aune d’imposants monuments et qui invitent à l’humilité, malgré les prouesses réalisées. Pro Tech Foudre a été fondée à Saint-Michel de Double par le père d’Anthony Dupuy : cet artisan dans les télécoms, versé dans l’aspect parafoudre des lignes, était aussi un passionné de spéléologie, ce qui l’a conduit à s’encorder à une époque où la formation de cordiste n’existait pas et à grimper sur les monuments pour l’activité paratonnerre. Il a acquis une notoriété dans cette spécialité adaptée aux monuments historiques, que son fils perfectionne à son tour.
Paris à ses pieds

Entré dans l’entreprise en 2008, après un parcours de mécanique auto et dessin industriel, Anthony Dupuy a pris la relève en juin 2014 avec le même souci du détail apprécié par les Architectes des Bâtiments de France, de plus en plus sensibles à l’importance de ce marché en raison d’aléas climatiques parfois extrêmes. Cet amoureux de la pierre apprécie de conjuguer intérêt esthétique et respect des normes dans les missions qu’il remplit.
Le professionnel était déjà intervenu à deux reprises sur les toits de Notre-Dame de Paris, « en 2009 en sous-traitance et en 2012 pour la mise aux normes complète de l’installation foudre sur la cathédrale ». Il était prévu qu’il y travaille pour une nouvelle campagne de travaux quand l’incendie est survenu, en avril 2019. « J’avais été retenu lors de l’appel d’offre pour intégrer le dispositif le plus discrètement possible aux ornements, selon un cahier des charges très précis. »
Toujours plus haut

Le chantier de reconstruction a permis de tout refaire, au-delà de la sollicitation d’origine. Deux pointes sur les deux tours, une sur la flèche, une au bout de chaque transept, une sur la croix du chevet : c’est la couronne invisible posée sur la cathédrale pour la protéger des caprices du ciel. Le Périgourdin a œuvré dans les règles de l’art en se glissant dans l’impressionnant ballet de professionnels de tous horizons coordonné avec précision sur ce chantier historique, ce qui a forcément compliqué sa partition solo. Il salue « une organisation exemplaire, un calendrier tenu » lors de ses présences en pointillés, qui représentent un total d’un mois et demi de travail. « Il faut anticiper, ne rien oublier dans le fourgon-atelier garé bien loin de là, dont je ne sortais qu’une caisse pour la semaine. L’accès au chantier était sécurisé par badge, avec un passage en sas pour éviter la contamination au plomb.» Un contexte spectaculaire, même pour celui qui est passé par d’autres interventions hors-normes : Anthony Dupuy a déjà œuvré sur la protection totale du Panthéon, effectué sept interventions au Louvre, et sur les cathédrales de Bordeaux, Limoges, Angoulême, sans oublier des châteaux du Périgord et d’ailleurs.
Quelques frissons

Muni d’une habilitation pour les travaux électriques, l’entrepreneur a beaucoup appris sur le terrain et exerce régulièrement sa mémoire car le respect des normes demande d’assimiler des “pavés” en constante évolution. C’est sur la cathédrale Saint-Front de Périgueux qu’il se souvient d’avoir assuré son premier chantier, monté au sommet avec son père pour “secourir” l’archange qui avait non pas perdu la tête mais se l’était bien mise à l’envers à la faveur d’un coup de vent qui avait décelé la statue au niveau du cou. Une transmission père-fils hautement symbolique, donc, sous la protection divine et le signe de l’humour.
Dans l’exercice de ce métier très physique, Anthony Dupuy a une fois eu peur de ne pouvoir s’échapper d’un clocher, par temps d’orage, pourtant placé à l’opposé de la descente de foudre et adoptant les bons réflexes (téléphone en mode avion, roulé en boule…) : « j’entendais le paratonnerre que je venais d’installer s’amorcer pour attirer la foudre ». Il se souvient d’un autre stress, au sommet d’un château d’eau, avec son père : descente en rappel immédiate. « Je vérifie moi-même tout mon matériel », se rassure-t-il.