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Michel Pourtier : mine de tout

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EXPOSITION. En 2021, Michel Pourtier a fait don au Département de 117 œuvres de son fonds d’atelier, transmission généreuse au bénéfice de tous les habitants de Dordogne. Le Fonds départemental d’art contemporain veille désormais à la conservation de cet héritage, collection mise en valeur jusqu’au 8 mai au château de Biron.

Michel Pourtier a marqué ses élèves de l’École Normale de Dordogne autant que les fidèles de la Galerie des artisans et créateurs d’art, à Périgueux. La série de dessins du professeur d’arts plastiques ouvre une année culturelle périgourdine placée sous ce signe (lire encadré).

L’atelier de l’artiste ©SBT

Fin explorateur de l’âme humaine, l’artiste pointe d’un trait de crayon ses mystères comme ses trop franches expressions, à la fois inquiet et sensible à ce qui se joue entre les individus. Il scrute le monde pour transformer la vie sociale en spectacle permanent. Il porte son regard perçant, d’un bleu lumineux, sur la comédie humaine, les communications impossibles, les rendez-vous manqués, l’enfermement dans un système, le malaise et le manège d’un harcèlement d’avant MeToo, les mauvais tours joués à la planète, les fausses innocences et les véritables victimes.

Une œuvre “à dessein”

Mémoire réinventée, Les Intranquilles, Les mini riens, Mythologies modernes, Conscience et violence, La comédie humaine, L’humanité-Gros plans : les chapitres du parcours organisé sur deux étages du château de Biron, immense écrin pour le travail de dentelle et de détail de Michel Pourtier, donnent le sens et la mesure de sa “figuration critique”.

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Bien au-delà des exercices de style du dessin académique, l’artiste s’est attaché à y inscrire une œuvre entre figuration et abstraction. Il a l’art et la matière ; le talent de la nuance et la technique d’effets de textures et de densité ; il manie l’arme fatale du vélin d’Arches®, de la mine de graphite ou de la plume Sergent Major® trempée dans l’encre de Chine pour “exécuter” ses personnages. Par la spatule ou le frottage, autres outils au service de geste, il saisit et suggère, imprime un rythme, un élan à fleur de feuille.

Point de croix graphique

Michel Pourtier trace un point de croix graphique en noir et blanc, minutieux, comme pour mieux percer ce qui se trame sous la peau des personnages qu’il décrit. Sur les cuisses généreuses de La madone des sleepings trône son petit chien ; La Caquetoire forme un jeu d’ombres et de lumière autour d’un fil de conversations, à l’infini, et d’un homme impuissant face à l’étourdissante circulation de la rumeur (on peut transposer dans cette œuvre datée de 1982 les effets de nos actuels réseaux dits sociaux).

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Dans le triptyque de 1989, Mémoires immobiles qui ouvre l’exposition, se masse une foule compacte, une surpopulation préoccupée, à la fois vaguement ondulante et strictement figée, voire quasi-fossilisée en arrière-plan, dans laquelle on croit reconnaître en (figure de) proue un célèbre ministre de la Culture. Osmose, choisi pour l’affiche de cette rétrospective à Biron, signe l’alliance d’une chaise décatie et de celui qui a peut-être passé sa vie dessus, comme une extension corporelle, des contingences qui prendraient le pouvoir. L’espace consacré aux mini riens, petits formats qui se répondent, assemblage d’inspirations, côtoie les engagements de l’artiste et son regard sur les violences des années 70-90, femmes afghanes grillagées, famine organisée au Biafra, ségrégation raciale d’Afrique du Sud.

Traits pour traits

L’artiste et les élues du Département, lors du vernissage ©SBT

Le mur de Saint-Front semble emprisonner pour l’éternité ceux qui l’auraient élevé, figures effritées, fragments corporels écrasés par les siècles, parcelles d’imaginaire dans la lecture architecturale, « en référence au Traité de la peinture (1490) de Léonard de Vinci » : Michel Pourtier s’amuse et se surprend à faire naître des visages des figures au creux des textures, des (in)carnations minérales.

La foule qui se pressait lors du vernissage, en présence de l’artiste, dit toute la considération à l’égard de l’homme et de l’œuvre. Qui lui survivra.

Année du dessin en Périgord

Des fresques animalières tracées sur la paroi de Lascaux aux nombreux lieux d’exposition qui maillent aujourd’hui le territoire, il y a 20 000 ans d’histoire de l’art et le Périgord a choisi de se concentrer une année pleine sur le seul dessin. Plusieurs expositions sont programmées durant l’année pour célébrer la diversité contemporaine des arts graphiques.

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Le coup d’envoi a été donné à Biron, site qui recevra cet été les maîtres du dessin de la Fondation Maeght et de la collection Brache-Bonnefoi. L’Agence culturelle départementale reçoit jusqu’au 26 mai une sélection dans « une pratique de la transparence » d’artistes reconnus ou émergeants sous le générique La ligne trouble. ; puis, cet automne, un temps fort avec Lorenzo Mattotti, en lien avec le festival de la BD de Bassillac.

Les Rives de l’Art accueillera au château de Monbazillac Géraldine Kosiak pour une célébration de presque 40 ans du Frac en Nouvelle-Aquitaine (14 avril-25 juin) puis Fabien Mérelle, un temps fort (8 juillet-30 septembre) avec un virtuose à la douce cruauté, premier lauréat du Prix Canson, exposé dans le monde entier. D’autres lieux établis aux points cardinaux du département, La Ligne Bleue à Carsac-Aillac, le Moulin de la Baysse à Excideuil, Agonac, Ribérac, Les Eyzies, Cadouin raconteront avec des artistes comme Nathalie Joffre ou Michel Brand l’étendue des possibles à partir d’un trait.