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L’innovation, socle de l’écoconstruction

Projection 3D de la nouvelle unité qui sera construite en face des deux fours actuels, sur 5 hectares © Chaux Saint-Astier
CHAUFOURNIER D'HIER ET DE DEMAIN. Chaux Saint-Astier puise dans le sous-sol naturel de la vallée de l'Isle la matière première qui fait la richesse de son savoir-faire. L'entreprise familiale investit pour confier son site d'origine à l'histoire et s'installer dans une unité nouvelle génération, qui lui permettra d'améliorer sa transition écologique — avec la réduction de son empreinte carbone d'un quart d'ici 2030 — tout en renforçant sa production pour l'écoconstruction.

Derrière les fours à chaux de 1930 qui continuent de travailler en bordure d’autoroute, à Saint-Astier, totems historiques de ce fleuron de l’économie périgourdine, se dessinent les contours d’une usine 4:00 qui transformera le quotidien de ceux qui y travaillent et diminuera l’impact sur l’environnement tout en permettant à l’entreprise d’augmenter les volumes et de gagner en productivité. Chaux Saint-Astier, dernier producteur indépendant français de chaux hydrauliques naturelles (110 000 tonnes de produits), réalise le plus important investissement de son histoire, c’est-à-dire depuis 1912, et un geste économique majeur localement : le chantier de cette unité de production nouvelle génération pèse 40 M€, l’équivalent d’un an de chiffre d’affaires. Implantée sur 5 ha, l’usine remplacera les deux fours actuels par une unité principale qui culminera à 52 mètres.

Engagement écologique

Antoine Bastier et Matthieu Tanguy ont présenté le projet à leurs invités © SBT

Toujours familiale et indépendante, la société locale continue de se développer à l’international et sa stratégie à long terme commande la réorganisation à l’œuvre depuis la pose de la première pierre, ou plutôt du premier bloc chaux-chanvre, le 25 juin dernier. En attendant l’inauguration, prévue en 2028, le président de Chaux Saint-Astier résume son ambition, au nom de l’histoire dont il est l’héritier et de l’avenir qu’il a à cœur de préparer. Au-delà du contexte industriel, Antoine Bastier a la volonté d’imprimer un progrès écologique et un engagement social (création de dix emplois s’ajoutant aux 150 actuels, dont 100 à Saint-Astier) avec une usine plus performante dans la cuisson de calcaire : la méthode d’hydratation de la chaux vive se veut une première mondiale avec des installations innovantes, qui permettront de récupérer la chaleur fatale, réintégrée dans le processus de fabrication. L’outil renforcera les technologies numériques, capacités d’analyses, de pilotage et d’adaptation.

Enjeux économiques et sociétaux

Dans le laboratoire © Chaux Saint-Astier

Partant d’un premier bilan carbone réalisé en 2024 en Scopes 1, 2 et 3, une démarche très avancée dans la feuille de route climat, qui prend en compte l’intégralité des émissions, Chaux Saint-Astier s’est donné les moyens de décarboner sa production. Avec 1 M€ investi depuis 2021 en R&D et trois ans d’étude des meilleures solutions et de tests, le choix s’est porté sur des technologies modernes et automatisées capables de réduire l’empreinte carbone tout en améliorant les performances.

Les études d’ingénierie se poursuivent jusqu’en fin d’année avant que 80 entreprises interviennent sur le site de construction, pour 24 mois de chantier, des intervenants et fournisseurs sélectionnés pour leur expertise (four et hydrateurs), dont certains prestataires locaux. Le directeur général de Chaux Saint-Astier, Matthieu Tanguy, voit dans cette usine des perspectives d’investissements complémentaires. Avec la démarche ACT Adaptation accompagnée par l’Ademe, le plan de décarbonation va se structurer au-delà de l’outil industriel, ses combustibles alternatifs et la réduction de matière première externe.

Reconnaissance mondiale

Cette PME, qui montre que le milieu industriel est avancé sur les investissements de transition, porte haut le nom de Saint-Astier dans le monde entier en intervenant sur des chantiers d’exception : Notre-Dame de Paris, Cheval blanc à Saint-Émilion, Sagrada Familia à Barcelone, fontaine de Trévi à Rome, Tour de Londres… Depuis la création d’une cellule internationale dédiée, en 2021, le développement passe par les États-Unis et le Canada, et plus récemment le Moyen-Orient avec une offre de produits ciblée et adaptée. 15 % du chiffre d’affaires est réalisé dans 20 pays et à travers trois filiales (Espagne, Grande-Bretagne, États-Unis).

Construction durable

Les bâtiments actuels ne seront pas déconstruits : dans le circuit de visite estival, ce patrimoine industriel racontera la fabrication de la chaux, d’hier à aujourd’hui.

L’alliance de la tradition, saluée par le label Entreprise du patrimoine vivant, et de l’innovation que représente la future usine, s’illustre par la mise au point de produits pour un marché de l’éco-construction friand de nouveautés.

Dans un aller-retour vertueux entre préserver l’histoire et inspirer l’avenir, l’entreprise permet aux professionnels du bâtiment de renouer avec les matériaux traditionnels pour répondre aux attentes environnementales actuelles : c’est tout l’enjeu de la montée en puissance des éco-matériaux, aussi bien pour la construction neuve que pour la rénovation. La PME s’illustre dans ce domaine depuis plus de 20 ans, une antériorité qui lui permet de se diversifier et de répondre aux nouveaux besoins de ses clients et partenaires, de détecter de nouveaux marchés pour participer à l’essor de filières émergentes en associant la chaux hydraulique naturelle avec des matériaux biosourcés comme le chanvre, le lin, le miscanthus, et des matériaux géo-sourcés comme la terre.

Savoir-faire chaux-chanvre © Chaux Saint-Astier

Au rythme de 12 nouveaux produits en trois ans, elle enrichit ses gammes avec l’ambition de devenir leader européen des écomatériaux à base de chaux hydraulique naturelle. Et pour accompagner ses clients dans l’usage des produits, la société les reçoit dans son centre de formation, qui accueille 450 personnes par an.

Dans un univers de multinationales cimentières, Chaux Saint-Astier s’affirme comme un grand nom sur un marché de niche.

La carrière souterraine s’étend sur plus de 40 hectares avec un gisement de calcaire siliceux datant de 80 millions d’années, exploité en un siècle sur une profondeur de seulement 12 m sur les 200 m estimés : autant dire que cette précieuse ressource est gérée durablement.

Démarche RSE exigeante

Dans les couloirs de la carrière © Chaux Saint-Astier

Réduction de 98 % des émissions de poussière, choix du gaz naturel pour remplacer le charbon dès 2028 puis biogaz en 2030, -25 % de Co2 d’ici 2030, -10 % de consommation énergétique sur le site et énergie solaire pour couvrir 40 % des besoins (panneaux sur le parc de stockage), valorisation de 50 % des fines de carrière actuellement non réutilisées : les améliorations attendues sont nombreuses avec cette nouvelle unité, l’entreprise ayant pour objectif de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 45 % d’ici 2040.

Les eaux de ruissellement et d’infiltration de la carrière seront récupérées et remontées à la surface, répandues en zones humides : seulement 5 % de cette eau entre dans le process de fabrication (extinction de la chaux vive). Une Obligation Réelle Environnemental, mesures de compensation menées avec le conservatoire d’espaces naturels, porte sur 11 ha de foncier naturel et 1,4 ha de galeries souterraines pour 99 ans.