Accueil BIEN commun L’église de Saint-Martin-l’Astier abrite les gestes d’autrefois

L’église de Saint-Martin-l’Astier abrite les gestes d’autrefois

Jean-Claude Garnier, Damien Duchier et Benoit Berry © IBF
SACRÉ SYSTÈME D. En cette période festive, l’église de Saint-Martin-l’Astier ouvre grand ses portes aux visiteurs curieux. Sous ses voûtes séculaires, Jean-Claude Garnier a installé un décor minutieux, comme un théâtre immobile, retraçant la vie d’autrefois, de la fin du XIXᵉ au début du XXᵉ siècle.

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Scènes rurales, gestes simples, souvenirs d’un quotidien disparu : le passé reprend corps, délicatement, dans l’écrin de pierre, offrant aux regards d’aujourd’hui un voyage sensible entre mémoire collective et ferveur populaire, l’œuvre de Jean-Claude Garnier. Cinquante métiers sont représentés, portés par soixante santons de grande taille. Une fresque populaire, vivante, où chaque geste raconte un savoir-faire, chaque silhouette une mémoire. Mais avant tout, cette crèche est une histoire de gosse. « Je revois mon enfance », confie Jean-Claude Garnier. C’est lui qui a imaginé et construit cette crèche de style provençal. Il se souvient de sa grand-mère lavandière, du baquet où elle lavait le linge, de lui et de ses cousins jouant autour, éclaboussés de rires. Tout ici murmure la ferme de son grand-père, les odeurs, les gestes d’alors.

MacGyver en Périgord

Jean-Claude devant son décor © IBF

Originaire de Seine-et-Marne, Jean-Claude porte en lui des racines paysannes profondément ancrées. Lorsqu’il arrive en Périgord, à Saint-Front-de-Pradoux, il restaure une vieille bâtisse avec un rêve en tête : créer un musée. Il débarque avec près de 5 000 outils, deux semi-remorques de collections patiemment rassemblées. Mais l’investissement financier et les normes exigées auront raison du projet. À défaut de musée, l’ancienne ferme devient un lieu d’accueil : quatre gîtes voient le jour au domaine de Beaufort. Des problèmes de santé l’amènent ensuite à revendre la propriété. Il s’installe à Saint-Martin-l’Astier, pour rester proche de ses enfants et petits-enfants. L’esprit de famille demeure son moteur.

Quand la récupération devient paysage

Jean-Claude Garnier n’est pas maquettiste. Non. Cette crèche, il l’a façonnée avec sa mémoire, celle des pages de son passé et avec ce talent rare : faire, avec trois fois rien, quelque chose de beau.

©IBF

L’installation n’a pas été simple. Il a fallu déplacer, recommencer le tout sur plus de 20 mètres, chercher l’ouverture juste, trouver les bons emplacements pour faire cohabiter le cœur du village et le monde agricole. Chaque scène devait trouver sa place, son souffle.
Tous les décors sont fabriqués en polystyrène. Oui, ici, la récupération devient paysage. La matière modeste se transforme en décor, patiemment, humblement.

Jean-Claude a débuté son ouvrage le 4 janvier. Jour et nuit, avec patience. Imagination et gestes méticuleux pour aller au bout d’un rêve. Très peu d’outils : un pistolet à colle, un cutter, un fer à souder. Le plus long fut la construction du rocher et du château féodal. Pour leur donner une apparence réelle, il a fallu travailler les couleurs par étapes : d’abord le noir, puis le marron, le beige et le beige clair, jusqu’au blanc pur. C’est ce jeu de six teintes qui donne toute la profondeur au regard.

Passeur de rêve

Les objets et les santons ont été glanés au fil du temps, sur les brocantes, les vide-greniers, et sur les sites de seconde main. Cette économie du réemploi fait aussi partie de l’esprit de Jean-Claude. Mais il sait également fabriquer de ses mains : de petites charrettes, par exemple, nées de presque rien. « J’espère apporter quelque chose aux gens qui vont voir mon travail », confie-t-il avec émotion.
Il ne se revendique pas passeur de mémoire, mais sans doute passeur de rêve. Cette crèche est un livre ouvert. Celui de l’enfance, celle de Jean-Claude. Une crainte demeure pourtant : que l’on oublie ces beaux métiers d’autrefois, cette manière de vivre, rude et douce à la fois. « Ce n’est pas prétentieux, dit-il, mais je pense pouvoir apporter quelque chose aux visiteurs. Avec cette création, ce sont les enfants que je veux toucher et raviver les souvenirs des personnes âgées. »

Regarder sans écran

©IBF

L’exposition est sublimée par une bande sonore immersive. On y entend le chant de la rivière, les pas feutrés des animaux, les appels d’oiseaux. Une respiration naturelle, accompagnée d’un éclairage précis qui souligne la scénographie.
Ce travail technique est signé Damien Duchier, un Mussidanais trentenaire attentif au monde qui l’entoure, et porteur d’un message qui résonne particulièrement à notre époque. « On passe notre temps sur nos téléphones portables. On ne regarde plus la nature qui nous entoure. Un rouge-gorge posé sur une branche, par exemple. On n’échange plus au bar du coin. On est en train de perdre tout ça. »
Il invite les visiteurs à observer l’exposition avec leur âme d’enfant, à redécouvrir la vie d’autrefois, à mettre en valeur le patrimoine d’hier pour qu’il continue de faire partie de notre présent. « Les propos de Damien m’interpellent, ajoute Jean-Claude Garnier. Regarder la vie sans passer par un écran. »

Un village vivant

Benoît Berry, membre du comité des fêtes de la commune et de l’association qui œuvre pour la sauvegarde du patrimoine local, se réjouit de l’engouement suscité par l’exposition. Depuis 2022, une crèche est visible chaque année dans l’église. L’an dernier, Jean-Claude avait offert son aide, promettant une version plus ambitieuse pour l’année suivante. Promesse tenue. Au-delà de l’émerveillement face au travail réalisé, Benoît Berry se réjouit de voir Saint-Martin-l’Astier mis en lumière. « Nous sommes une petite commune, mais nous existons. Grâce à des habitants qui s’investissent bénévolement pour faire vivre le village. »

• L’exposition est visible tous les jours, de 14 h à 18 h, jusqu’au 3 janvier. L’entrée est gratuite.

L’histoire de l’église de Saint-Martin-l’Astier

L’église de Saint-Martin-l’Astier© IBF

Dressée au cœur de la campagne, fait unique en Aquitaine, l’église de Saint-Martin-l’Astier, édifiée entre les IXᵉ et XIIᵉ siècles, se compose de deux parties nettement distinctes.
D’abord, une tour octogonale à l’appareillage de pierre remarquable, coiffée d’une coupole intacte, défiant le temps avec une élégance minérale. Puis, une nef romane, sobre et recueillie, animée par un Chemin de croix contemporain en poteries peintes, où la création actuelle dialogue avec la mémoire ancienne.
Implantée en zone inondable, à quelques pas seulement de la rivière Isle, l’église semble pourtant protégée : jamais les eaux ne l’ont atteinte. Un mystère de plus. Sa cloche messagère, elle, continue de rythmer la vie des habitants, annonçant tour à tour les événements heureux ou les heures de deuil.
Quant à son origine exacte, elle demeure incertaine. Certains évoquent la construction par un chevalier templier revenu des croisades. D’autres avancent l’hypothèse d’un ancien site païen, dédié au culte d’une source, récupéré lors de l’évangélisation pour devenir baptistère.
Entre histoire, légende et silence des pierres, l’église veille.