À une époque, la nôtre, où les immigrés sont considérés un peu partout comme une plaie, le parcours de Gérard contredit les discours majoritaires. Ses grands-parents ont été contraints à l’exil à cause de l’une des graves pénuries alimentaires qui ont ravagé l’Andalousie dans les années 1930, pendant la guerre d’Espagne. D’abord installée dans la région lyonnaise, la famille s’est fixée ensuite dans la région de Béziers. Après ses études, Gérard aurait pu rester cadre aux Telecom où ses aptitudes en mathématiques l’avaient conduit un peu malgré lui : il se sentait plutôt amoureux de littérature.
Profil atypique et figure locale

Les bouleversements de la société en 1968 ont eu des effets pendant quelques années, beaucoup de citadins ont voulu quitter les grandes métropoles et abandonner leur métier, avec le désir de rompre ce que résumait alors la formule « boulot métro dodo ». Gérard appartenait à cette jeunesse insatisfaite et, comme d’autres avant lui, est parti en Ariège en 1973, dans la région de Foix. Que faire pour subvenir à ses besoins ? Il apprend sur le tas à travailler le cuir, vendant ceintures et sacs sur les marchés. Cette vie est vite devenue monotone et Gérard est parti dans l’Aude et l’Hérault où son travail varie selon les saisons. Puis se retrouve en Dordogne en 1976.
L’installation à Montignac

Gérard, 76 ans aujourd’hui, exerce plusieurs métiers avant d’ouvrir son atelier de cordonnier. Amoureux de cuisine, il a commencé par proposer des pizzas au feu de bois place Tourny. Toujours à Montignac, il sera ensuite en cuisine dans un restaurant pendant dix ans — c’était un héritage —, il tiendra aussi un bar pendant cinq ans et animera même une guinguette au camping de Saint-Léon-sur-Vézère. Son atelier de cordonnier a changé de place ; d’abord place Joubert, il est maintenant dans la Maison Duchêne, dans la partie la plus animée de la ville. Depuis son installation, il se fournit à Nontron dont on sait l’importance pour les métiers du cuir, nombreux dans la ville et ses alentours, y compris la maroquinerie de luxe : la Maroquinerie Nontronnaise, par exemple, appartient au groupe de luxe Hermès.
Un lieu de rendez-vous

Dans l’atelier de Gérard Martinez, à côté de l’amas de chaussures qu’on lui apporte, sont exposés sacs, ceinture, portefeuilles, portemonnaies de couleurs diverses : le cordonnier ne fait pas que redonner une seconde (ou une troisième !) vie aux chaussures fatiguées en remplaçant un talon ou en collant une semelle ; il découpe, assemble et coud à la main ou avec sa machine à coudre.
Son atelier est devenu un lieu de rendez-vous incontournable à Montignac, en particulier le jour du marché en fin de matinée. Ses amis, ses clients aiment à passer un petit moment convivial sous les arcades de la Maison Duchêne, à discuter du dernier match de rugby ou de l’actualité. Un temps hors du temps, comme les villages et petites villes en connaissent encore.
Tristan HORDÉ
Cordonnier, un métier en voie de disparition
Les cordonniers traditionnels, qui réparaient artisanalement les souliers en cuir, sont victimes de l’industrialisation de la chaussure, et surtout de la part massive prise par la chaussure de sport non réparable… Comme bien d’autres, ce métier est en voie de disparition, remplacé dans les grandes surfaces par un service rapide sans lien avec la cordonnerie traditionnelle, service qui, souvent, fabrique aussi des clés. L’atelier du cordonnier avait, et a toujours, l’odeur particulière du cuir, d’autant plus forte qu’à la campagne le cordonnier était aussi souvent bourrelier : il montait harnais et courroies pour les chevaux et bœufs, les réparait si nécessaire.
Les petits métiers des marchands ambulants d’autrefois
Beaucoup de métiers courants en ville ou dans le monde rural il y a un siècle, ce qui n’est pas si éloigné de nous, ont quasiment disparu ou sont devenus marginaux, parfois même transformés en activités de loisir. En effet, qui connaît aujourd’hui un sabotier qui creusait sans machine le bois des sabots portés des décennies ? Se souvient-on qu’il existait des cloutiers, qui façonnaient des clous, ou des marchands qui parcouraient les villages pour acheter des peaux de lapins ? Ces peaux étaient revendues pour confectionner les doublures de manteaux, ou aux chapeliers pour faire des toques. Les poils prélevés sur la peau servaient à fabriquer du feutre pour les chapeaux et la peau une colle appréciée des peintres.
La plupart des marchands ambulants dans les grandes villes annonçaient leur passage en criant à tue-tête : « peaux d’lapin, peaux d’lapin », « à la fraîche, à la chaude, qui veut boire ? », « mes beaux choux, mes beaux poireaux », etc. On voit encore en province des affuteurs de couteaux et de ciseaux mais point de sabotiers, les bottes de caoutchouc ayant remplacé depuis longtemps les sabots de bois.