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Depuis sa première rencontre avec le verre, au détour d’un atelier associatif, Florine suit une évidence : celle du geste juste, du travail patient, de la beauté qui naît entre les mains. Passionnée, persévérante, elle appartient à cette génération qui réinvente les métiers d’art, mêlant tradition et création contemporaine. Dans chaque vitrail qu’elle imagine, elle cherche la vibration d’une émotion, l’éclat d’un instant, la poésie silencieuse de la lumière qui traverse la matière.
Rencontre avec le vitrail

Florine Orieux façonne la lumière avec passion, convaincue que l’art a toujours fait partie d’elle. Petite, elle rêvait de devenir styliste. Mais très vite, elle a compris que ce n’était pas son univers. Ce qu’elle aimait vraiment, c’était le travail manuel, la matière, le geste. Alors, un jour, elle dresse une liste de ses envies, une sorte de boussole pour orienter sa vie. C’est ainsi qu’elle découvre l’association Passion Bois Verre, à Saint-Michel-de-Double.
Là, au détour d’un atelier, elle rencontre le vitrail et c’est le coup de foudre. Une rencontre décisive est venue amplifier cette vocation naissante : Didier, son professeur au sein de l’association, c’est lui qui, avec patience et bienveillance, a su réveiller en elle ce lien profond avec l’art, cette émotion singulière qui naît quand la matière se met à vivre entre les mains. « Il m’a transmis bien plus qu’un savoir-faire, raconte-t-elle, il m’a donné le goût du geste juste, de la lumière, du détail. » Le vitrail, cet art subtil qui marie le verre, le plomb, la couleur et la lumière, devient sa révélation. « J’ai su tout de suite que c’était ça », confie-t-elle. Dans ses mains, la transparence du verre prend vie, se transforme en poésie lumineuse.
Formation sélective

Aujourd’hui, Florine exerce un métier où la précision rencontre la créativité, un métier de plus en plus féminin, où la sensibilité devient une force. Et quand elle parle de son avenir, ses yeux brillent autant que les éclats de verre qu’elle assemble. Florine Orieux a façonné son savoir-faire au sein de la prestigieuse École nationale supérieure des arts appliqués et des métiers d’art (école publique) à Paris, dans le XVe arrondissement, où la tradition dialogue avec la création. Y entrer n’a pas été simple : une première tentative infructueuse, puis l’attente et l’espoir. La sélection est rude: près de 300 candidatures pour seulement sept places. Mais la persévérance finit par payer. Quand enfin la porte s’ouvre, c’est tout un monde qui s’offre à elle.
Dès les premiers ateliers, Florine comprend que rien ne sera comparable à ses premières expériences. Quelques années plus tôt, elle avait découvert la technique Tiffany, un coup de cœur immédiat. Inventée à la fin du XIXᵉ siècle par Louis Comfort Tiffany, cette méthode a bouleversé l’art du vitrail. Ici, plus de plomb : chaque morceau de verre est enveloppé d’une fine bande de cuivre adhésif, puis soudé à l’étain. Le résultat ? Des lignes souples, des contours délicats, une liberté nouvelle dans la composition, une véritable danse entre lumière et matière.
Savoir-faire ancestral
Mais à l’école, Florine plonge dans le vitrail traditionnel, l’art ancestral par excellence. Un univers fascinant, presque magique, où la lumière devient matière. Tout commence par un dessin, le carton, qui sert de plan à l’œuvre. Vient ensuite le choix du verre, ses couleurs, ses reflets, sa texture. Chaque pièce est coupée à la main, ajustée avec une précision d’orfèvre, comme un puzzle de lumière.

Les fragments sont ensuite sertis dans des baguettes de plomb, soudés à l’étain, puis mastiqués pour assurer solidité et étanchéité. Le geste est lent, précis, presque méditatif. Peu à peu, l’image prend forme, la lumière s’invite, et le vitrail s’anime. De la rosace des cathédrales aux créations les plus contemporaines, cette technique reste le cœur battant de l’art verrier. Un art exigeant, mais infiniment poétique, où chaque éclat de verre raconte une histoire, et où chaque rayon de lumière semble murmurer le travail des mains qui l’ont façonné.
Entre tradition et modernité
Florine aime autant la restauration que la création. Restaurer, c’est plonger dans l’histoire, redonner vie à des œuvres qui ont traversé les siècles, des vitraux de Jean Cocteau à ceux de Notre-Dame de Paris. Mais son véritable terrain d’expression reste la création.

Elle aime imaginer, dessiner, puis voir ses croquis prendre forme dans la lumière, se transformer en vitraux uniques, empreints d’une touche contemporaine. Florine explore les matières, mêle les techniques traditionnelles et modernes, toujours en quête de cet équilibre fragile entre héritage et invention.
C’est aussi un patient travail de coloriste, où Florine laisse parler sa passion pour le bleu, cette teinte qu’elle aime plus que toute autre. Tout commence avec la maquette, pensée comme une véritable composition picturale : on y pose les couleurs, les équilibres, les nuances. Puis vient le moment décisif du choix du verre. Là, il faut savoir se projeter, imaginer l’effet de la lumière, anticiper ce que chaque teinte, chaque transparence racontera une fois traversée par le jour. « C’est un gros travail ! », sourit Florine, consciente de la minutie que cela demande.

Dans ses créations, elle cherche avant tout à susciter la curiosité. « Je veux que les gens s’interrogent : comment a-t-elle fait ça, techniquement ? », confie-t-elle. Pour elle, le vitrail ne doit pas seulement être admiré comme un dessin figé, mais aussi comme une œuvre d’ingéniosité, le fruit d’un dialogue subtil entre la main, la matière et la lumière. L’entourage de Florine est souvent étonné par son métier de vitrailliste. Beaucoup restent attachés à l’image des vitraux que l’on découvre dans les églises et ne se doutent pas que cet art se pratique toujours, avec la même minutie et la même passion qu’autrefois. Pour eux, c’est presque une magie du passé qui s’invite dans le présent. Évidemment, la question revient régulièrement : « Avez‑vous travaillé sur la restauration des vitraux de Notre-Dame de Paris ? » Florine répond avec un sourire : « Non… mais, forcément, j’aurais aimé. »
Atelier parisien
Florine fait partie d’un atelier parisien, Aux Passeurs de Lumière, où elle continue d’affiner son savoir-faire avec de jeunes vitraillistes. Elle est particulièrement conquise par le travail d’Annaëlle Pann, que l’on peut découvrir sur Instagram. D’ailleurs, grâce à ce réseau social, on réalise que de nombreux jeunes vitraillistes partagent leurs créations, et que l’art du vitrail, loin d’être cantonné aux églises ou aux musées, se vit et s’invente partout, surtout aux États-Unis.

Ses études sont désormais achevées, elle a son DN MADE (Diplôme National des Métiers d’Art et du Design) mais Florine a choisi de prolonger son apprentissage par une année de spécialisation en peinture sur verre, un prolongement naturel de sa passion, une manière d’affiner encore son regard et de perfectionner le geste. Dans cette discipline exigeante, elle explore le pouvoir des pigments, la transparence des teintes, la façon dont la couleur dialogue avec la lumière pour donner au vitrail toute sa profondeur. Chaque jour, elle découvre combien la moindre nuance, le moindre dégradé peut transformer une composition, lui offrir une vibration nouvelle. Cette quête de justesse, presque musicale, la fascine.
De verre et de lumière, le rêve périgourdin de Florine

Et puis, dès que l’école ferme ses portes, Florine retrouve le Périgord. À chaque vacances, elle revient à Montagnac-la-Crempse, son point d’ancrage, son refuge. Ce retour aux sources, loin de la frénésie parisienne, lui permet de respirer, de retrouver l’essence même de son inspiration. Elle mesure le chemin parcouru et imagine celui qu’il lui reste à tracer.
Son rêve, désormais, est la couleur du verre et la clarté de la lumière. Elle aspire à s’installer ici, en Dordogne, et à y ouvrir son propre atelier de vitrailliste. Un lieu à son image : à la fois atelier et havre, espace de création et de transmission, où la tradition du vitrail rencontrerait les audaces contemporaines. Le projet est ambitieux, bien sûr ! Il demande des moyens, notamment pour l’acquisition d’un four, équipement essentiel et coûteux. Mais Florine avance avec la même patience que celle qu’exige le verre : pas à pas, dans le calme et la détermination, portée par cette conviction intime que la lumière finit toujours par trouver son chemin.
Devenir vitrailliste avec le DN MADE

Pour devenir vitrailliste, il faut d’abord poser de sérieuses bases. Le parcours commence généralement après un Bac général ou technologique, souvent un Bac STD2A (Sciences et Techniques du Design et des Arts Appliqués), accompagné d’un dossier artistique solide : portfolio, travaux manuels ou créations personnelles. L’admission se fait ensuite sur dossier et entretien dans une école publique ou privée proposant le DN MADE en métiers d’art. Certaines écoles demandent une année préparatoire ou une mise à niveau en arts appliqués (MANAA) pour renforcer le dessin et les techniques de base.

Le DN MADE, diplôme national de niveau Bac+3, propose un cycle de trois ans au cours duquel les étudiants se spécialisent en métiers d’art et, pour certains, en vitrail. La formation allie théorie et pratique : apprentissage des techniques traditionnelles et contemporaines du vitrail (au plomb, méthode Tiffany, peinture sur verre), études du dessin, de la composition, de la colorimétrie et de la perspective, ainsi qu’une plongée dans l’histoire de l’art et du vitrail. Les ateliers pratiques et les stages en entreprise ou en atelier de restauration permettent aux étudiants de se confronter à la réalité du métier et d’acquérir une expérience concrète, de la création à la restauration.
À l’issue de ce parcours exigeant, les diplômés peuvent choisir différents chemins : créer ou restaurer des vitraux, poursuivre en Master spécialisé pour approfondir leurs techniques et leur recherche artistique, ou encore collaborer avec des architectes, designers et structures culturelles. Le DN MADE ouvre également la voie à la transmission du savoir-faire, via l’enseignement ou des ateliers professionnels. Les débouchés sont variés : vitrailliste créateur pour des œuvres contemporaines, restaurateur de vitraux anciens, ou artisan capable de mêler tradition et innovation dans chaque projet.









