Christian Chevillot se souvient très précisément quand il a pris le virus du néolithique : « j’avais neuf ans, j’habitais à Limoges, en 1957, un instituteur avait amené en classe des haches de pierre polies trouvées dans le coin. Avec quelques copains, ça nous a donné envie d’aller voir sur des sites de fouilles pour grattouiller la terre ». Surpris un jour par un fouilleur de la société archéologique du Limousin, ils ont été recrutés et ils ont appris à éviter de faire n’importe quoi. « Ils ont presque tous fait des études et sont devenus archéologues. Mais pas moi, j’aimais faire des fouilles, mais j’en avais marre de l’école. J’écrivais bien le français et je savais dessiner, j’ai été pris en apprentissage d’imprimerie. J’ai passé un CAP plutôt qu’un bac. »

Depuis son enfance, il n’a jamais arrêté d’aller fouiller sur le terrain avec une prédilection pour la période pourtant ingrate de la Protohistoire, entre la Préhistoire et l’Antiquité qui a vu arriver les Gaulois lors des âges du bronze puis du fer. Près de Limoges, il a participé à de nombreuses découvertes sur le site de Châlucet. Christian Chevillot est depuis attiré par les objets en terre : « Les céramiques de toutes les époques me passionnent», explique Christian Chevillot qui a vite mis la main à la pâte pour savoir les reproduire, du modelage à la cuisson.
Bienvenue chez les Pétrocores
Grâce au projet de déménagement de l’imprimerie des timbres postes de Paris vers Périgueux décidé par Yves Guéna, Christian Chevillot qui travaille alors à Limoges, est recruté par la Poste. Il est envoyé se former à Paris avant de venir s’installer en Dordogne en 1971. Il passe de chez les Lemovices du Limousin aux Pétrocores du Périgord, avec toujours plus d’enthousiasme pour la culture gauloise. Durant un an et demi de formation d’imprimeur à Paris, il en avait profité pour écumer les musées et les conférences de la société préhistorique de France. Arrivé en Dordogne, il adhère à la Shap, la société historique et archéologique du Périgord dont le président était alors Jean Secret.

Homme de terrain, il participe très vite à des fouilles au contact d’archéologues réputés comme Paul Fitte ou François Bordes. Dans les années 80, il créé le parc archéologique de Beynac au pied du château, avec des passionnés de l’archéologie expérimentale qui l’animent et font venir des chercheurs de toute la France. Cette méthode de reproduction des techniques pour les comprendre est un apport important pour les chercheurs. Il est malheureusement fermé depuis des années.
Christian Chevillot publie beaucoup. « Je n’avais qu’un CAP d’imprimeur et pas le bac, mais j’ai pu travailler sur une thèse. J’ai obtenu deux doctorats en 1981 et surtout en 1988, sur l’âge du bronze en Dordogne, sous la direction du professeur Robert Etienne à l’Université Bordeaux 3.» Il y balaye une époque de grande évolution qui s’est développée en France depuis 3000 ans avant Jésus-Christ.
Sur le terrain avec l’Adrahp

Pour multiplier les activités sur le terrain, il a créé en 1986 une nouvelle structure basée à Chancelade : l’Adrahp, l’association pour le développement de la recherche archéologique et historique en Périgord. Parmi les fondateurs, on trouvait le préhistorien photographe Norbert Aujoulat et l’historien enseignant Claude Lacombe. Avec son équipe de fouilleurs formés et agréés, Christian Chevillot mène d’innombrables campagnes à travers le Périgord, sur des sites de toutes les époques, mais avec une préférence pour la période gauloise. Il est un découvreur, grâce à son réseau de passionnés et de curieux sur tout le territoire. Il est souvent le premier au courant, appelé pour expertiser des objets trouvés dans les champs. « Je n’oublie pas que je suis un petit-fils de paysan. Je vais voir les gens, je discute avec eux, je suis bien reçu partout et je cite ceux qui nous aident. »
Parmi les plus belles découvertes, celle de l’agglomération de La Peyrouse à Saint-Félix de Villadeix. Elle a été permise par les premières trouvailles de tessons d’amphores et de pièces de métal par le propriétaire des terrains Philippe Gay. Après avoir compris l’ampleur du site, il a mis dans la boucle le jeune universitaire Eneko Hiriart qui a pu lancer un vaste programme de recherches. Il a de nombreux exemples de ce type qui ont contribué à améliorer la connaissance du passé du Périgord. Les résultats sont très souvent publiés en primeur dans sa superbe revue annuelle, “Documents d’archéologie et d’histoire périgourdines”. Avec sa formation d’imprimeur et d’infographiste, Christian Chevillot la réalise de manière professionnelle. Prochaine parution à l’automne 2025.
Chercheur associé à l’université
A 77 ans, Christian Chevillot n’a pas l’intention de s’arrêter en si bon chemin. Il est aujourd’hui chercheur associé à l’université de Rennes, ce qui lui permet de participer au centre de recherche en archéologie, archéosciences et histoire. Il se désole évidemment du manque de moyens pour la recherche, avec heureusement des bénévoles comme lui et ses amis qui assurent un gros travail sur le terrain.

Dans les annexes de sa maison de Chancelade, des piles de caisses d’objets collectés sur des fouilles (tessons, ossements, etc.), nettoyés et identifiés, attendent de pouvoir rejoindre des dépôts officiels. Celui du département à Coulounieix-Chamiers est fermé pour cause de fuites du toit et de présence d’amiante, en attente de crédits pour les réparations. « Je ne suis pas collectionneur, je n’ai pas vocation à conserver tout ça », soupire-t-il.
Plus que jamais, il défend le travail sur le terrain qui permet de faire avancer les connaissances. Ses yeux s’illuminent lorsqu’il parle de verre antique trouvé en Périgord qui provient d’Égypte ou de Syrie, ou d’un visage modelé sur un fragment de cruche trouvé à la Peyrouse dont il a identifié l’origine dans un village étrusque en Italie. Avec toujours une même philosophie. « Pour moi, l’importance c’est de partager. » Ce qu’il fait en permanence avec tous ceux qu’il rencontre lors de ses conférences, avec son association, autour de bonnes tables ou sur le marché de Périgueux !
Organisateur de voyages

Depuis 45 ans qu’il voyage vers l’Italie sur les lieux archéologiques, Christian Chevillot a eu envie de faire partager ses coins préférés. Avec le transporteur Duverneuil près de Brantôme, depuis l’année 2000, il y organise deux voyages par an, au printemps et à l’automne, en bus directement depuis la Dordogne. « J’y vais en repérage et je réserve tout, même les restaurants », explique l’archéologue bon vivant.
Le prochain est prévu du 8 au 19 octobre, au pays des Étrusques. Visites du village de Bolséna et des catacombes, de Bagnoregio, d’Orvieto, San Giulano, Blera, Cerveteri et la nécropole de Banditaccia, Pitigliano, Tarquinia, ses tombes peintes très célèbres, le jardin des monstres de Bomarzo, le musée de Pontremoli et ses stèles en grès… Avec également une journée à Rome.
Il reste encore quelques places à réserver rapidement au 06 85 51 27 35. Ou par mail c.chevillot@wanadoo.fr