Arrivés en 2020 pour gérer la fromagerie d’Échourgnac aux côtés des sœurs du monastère de la Double, Antoine et Quitterie Dumont ont depuis fait prospérer la petite entreprise. Lui, diplômé d’une école de commerce, venait d’une start-up nantaise, elle du monde médical, ils avaient sillonné l’Afrique avec leurs enfants avant d’atterrir en Périgord où madame a des liens familiaux. Les moniales, dont la vie est partagée entre le travail pour financer l’abbaye et sept prières quotidiennes, avaient bien besoin d’un coup de main professionnel pour se moderniser. Leur célèbre fromage Trappe Échourgnac parfumé à la noix depuis 1998, grâce à la bonne idée d’une sœur, connaît un succès tel qu’il se vend dans toute la France.
Présent chez les fromagers, comme dans les boutiques de producteurs et de monastères, il est désormais référencé dans de nombreuses grandes surfaces. Soumis aux jurés du concours international de produits alimentaires de Lyon, il vient d’y remporter une médaille d’or dans la catégorie « autre fromage au lait de vache à pâte pressée non cuite ». Le Trappe de Trimadeuc dans le Morbihan, fromage frère de celui d’Echourgnac, a obtenu une médaille d’argent. « C’est important pour nous de voir ce que les professionnels pensent de nos produits. Le résultat de ce concours est très valorisant pour notre équipe, il a été reçu avec beaucoup d’émotion », souligne le directeur Antoine Dumont.
La fabrication intégrée dans un réseau

En cinq ans, l’entreprise a énormément évolué. « Depuis notre arrivée, sans l’avoir recherché, nous avons fait d’autres rencontres monastiques et élargi nos contacts avec d’autres communautés cisterciennes en France », explique le directeur. Des valeurs spirituelles communes les rassemblent, mais leur fonctionnement autour du travail également. Les moniales d’Echourgnac (fromages, confitures et tisanes) se sont ainsi rapprochées économiquement des moines de l’abbaye de Timadeuc dans le Morbihan (fromages et pâtes de fruit) et des moniales de Chemillé en Maine-et-Loire (confitures, pâtes de fruits et gâteaux). L’ensemble a donné naissance au Cellier des monastères, entreprise à double visage, associant à parts égales des religieux et des laïcs, employant une soixantaine de personnes.
Un événement a accéléré la transformation, comme l’explique Antoine Dumont. « En 2024, la fromagerie d’Ille-et-Vilaine qui fabriquait depuis 25 ans nos fromages bruts que nous affinons dans nos caves, a cessé son activité. Nous avons fait un tour de France pour chercher une solution chez d’autres fabricants. Finalement, nous avons décidé de créer notre propre fromagerie à proximité de l’un de nos deux sites d’affinage. » Le site de Kervignac dans le Morbihan a été retenu. L’atelier a été construit et équipé pour une mise en service en janvier 2025. Il a été baptisé Fromagerie Sainte-Anne.
130 tonnes par an

En Dordogne, les fromages bruts arrivent juste après fabrication pour y être préparés selon la recette des sœurs. Ils sont lavés, enduits de vin de noix et de ferments, avant d’être affinés en cave où ils restent plusieurs semaines. Ils sont aux petits soins des sœurs et des salariés spécialisés qui les retournent régulièrement et surveillent leur évolution liée à l’hygrométrie et à la température. 130 tonnes représentant des milliers de fromages sortent chaque année des caves situées dans un bâtiment à l’écart du monastère. Le Trappe à la noix représente aujourd’hui l’essentiel des fabrications, le Trappe nature qui vient de la recette du Port Salut n’étant plus acheté que par des amateurs. À Échourgnac un fromage de brebis fabriqué par une fromagerie des Pyrénées est affiné durant près de trois mois. Ces produits sont essentiellement vendus en France avec quelques exportations en Belgique et en Allemagne. Ils ont aussi une boutique en ligne.
L’entreprise, dont le siège social est resté en Dordogne, est aujourd’hui bien organisée entre les trois monastères aussi bien en termes de fabrication que de commercialisation. Ses animateurs insistent sur leurs valeurs : « Le Cellier des monastères n’a pas d’objectif de croissance, si ce n’est de générer les revenus dont les communautés membres ont besoin. Ici pas de course au développement absolu, c’est de l’entrepreneuriat raisonné ». La communauté a plusieurs fois consacré une partie de ses bénéfices pour financer par des bourses de 5 000 euros des projets d’associations locales situées dans un rayon de 30 km pour la solidarité ou l’environnement.
Une abbaye créée en 1868

Le fromage est arrivé à Echourgnac dès la création de l’abbaye au XIXe siècle. Ce sont des moines trappistes cisterciens venus de Port-Salut dans la Mayenne qui se sont installés dans la forêt de la Double en 1868. Ils ont défriché et assaini le secteur tout en construisant les premiers bâtiments. Mais, ils ont cessé leur activité en 1910.
Une communauté de moniales cisterciennes est arrivée en 1923 pour continuer à construire l’abbaye et en reprenant la fabrication des fromages aux côtés de travaux agricoles. Une vingtaine de sœurs occupent aujourd’hui le monastère. Sur place on trouve une boutique de produits monastiques fabriqués sur place mais également dans d’autres monastères français et désormais un petit musée en visite libre. Elle est ouverte tous les jours. L’église sobre toute blanche est ouverte sauf à l’heure des repas. La fromagerie ne se visite pas.









