Coconstruit avec de solides partenaires, au rang desquels les institutions (Ville de Périgueux, Département, centre culturel Agora de Boulazac, l’Agence culturelle départementale et bien d’autres), le festival Ôrizons propose chaque année un programme audacieux. Sa 17e édition, du 3 au 20 juin, mettra les bouchées doubles pour faire découvrir la culture et les arts du Proche-Orient et de l’Afrique du nord dans leur grande diversité : des expressions artistiques forcément traversées par les guerres et déplacements qui déchirent les pays de la Méditerranée.
Pour un Périgord ouvert sur le monde
L’ouverture au monde et à l’autre devient un « acte de résilience », selon le président du festival Ôrizons, Alain Monteil, qui parle d’un festival resserré autour d’un projet humaniste.
La programmation du festival en est une illustration. Ses organisateurs ont souhaité non seulement accueillir des artistes en résidence, mais aussi que le festival se déploie dans les territoires ruraux où des débats d’idées itinérants sur les migrations seront organisés. Une évidence pour Rebecca Devine, directrice du festival (lire plus bas), qui s’emploie à « réinventer nos pratiques». Pas seulement parce que « les soutiens à la création sont en berne », mais parce que « les enjeux culturels sont aussi et de plus en plus politiques. »
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Alors, tout en conservant ses lignes de force — la mise en lumière des arts des pays du pourtour méditerranéen —, le festival ira aussi à la rencontre des habitants d’Excideuil le 23 mai (à confirmer), de Monbazillac (Maison Vari, le 24 mai) et d’Eymet (librairie La Mauvaise herbe, le 25 mai) pour débattre et partager un moment joyeux. L’ONG CCFD Terre solidaire et l’Institut du monde arabe se sont associés à cette initiative consistant à amener le festival dans des territoires où il n’était pas présent. Chacun des débats se terminera par un karaoké de musiques raï.
Accueillir

Autre temps fort proposé cette année par le Festival : le public sera invité à accompagner dans sa création l’artiste palestinienne Shahd Alshamaly, accueillie par le lieu de résidence Les Grandes fenêtres, à Excideuil. Dans le cadre du programme Sawa Sawa, lancé par l’Institut français de Jérusalem, Shahd Alshamaly a écrit un scénario de court métrage où elle raconte sa fuite de Gaza sous les bombes. Le témoignage artistique qu’elle a tiré de son expérience personnelle sera à partager avec elle lors du festival, à l’occasion de ses deux sorties de résidence.

Plus classique en apparence, l’exposition intitulée “La rose de Jéricho”, à l’Espace culturel François Mitterrand, à Périgueux, se déclinera en projections et en rencontres avec le public. L’artiste Aurélia Zahedi a exploré la légende de rose fleur immortelle qui erre dans les déserts. Ce mythe servira de fil rouge pour son exposition organisée du 3 juin (conséquemment à l’inauguration du festival) au 11 juillet, en partenariat avec l’Agence culturelle. L’exposition est donc prétexte à des rencontres avec l’artiste qui a voyagé avec les Bédouins dans le désert de l’Est de Jérusalem et à des temps de réflexion sur la situation de la Palestine.
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Interactif, facilitant les échanges et les rencontres avec les artistes, le festival Ôrizons donne bien d’autres rendez-vous aux amateurs d’art, dans divers lieux de culture (médiathèque de Boulazac, galerie L’Appart à Périgueux, les salles de spectacle du Sans réserve et du Palace, le Cube cirque à la plaine de Lamoura…) Du théâtre, de la musique, du cirque, des débats d’idées, du cinéma en plein air (dans le quartier du Gour de l’Arche), des expositions photos dans des lieux inattendus, comme celle abordant les inégalités de genre qui sera affichée sur le parvis de l’Agora à Boulazac… Il y en aura vraiment pour tous les goûts.
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« Un ovni dans le paysage culturel»
Rencontre. Nous avons souhaité en savoir plus sur Rebecca Devine, directrice du Festival Ôrizons, qui signe cette année son troisième festival.
Comment êtes-vous arrivée à la direction du festival Horizons ?

Rebecca Devine. Cela fait une dizaine d’années que je travaille pour le monde arabe. Tout a commencé à Budapest, pendant mon Erasmus, j’ai rencontré un professeur génial qui m’a sensibilisée au monde oriental du 19e siècle. C’était en 2011, au début du Printemps arabe, la dynamique de la jeunesse qui se soulevait était porteuse d’espoir. Plein de projets émanaient de la société civile, c’était hyper enthousiasmant. J’ai poursuivi mes études sur l’Égypte. J’ai mené des projets avec l’Institut de recherche et d’études Méditerranée Moyen-Orient. Je me destinais à la recherche quand j’ai intégré le magazine en ligne “Orient XXI” qui m’a permis de travailler avec un réseaux de médias implantés dans divers pays du monde arabe. Je suis partie en Tunisie. Mais lorsque j’ai eu un bébé, je n’ai plus eu envie de repartir mener des missions à l’étranger.
C’est ainsi que vous avez posé vos valises en Dordogne ?
Le festival Ôrizons cherchait sa nouvelle direction. J’ai postulé car j’avais très envie de creuser l’aspect culture que je n’avais fait qu’effleurer jusqu’alors. J’ai commencé en décembre 2022. J’avais tout à découvrir du côté des spectacles vivants. C’est un festival hyper-intéressant car il est itinérant, sans lieu fixe. Nous coconstruisons le projet artistique avec pas mal de partenaires dans le cadre de l’association Printemps ô Proche-Orient. Nous prospectons de nouveaux lieux où l’on peut débattre de questions internationales. Il y a pas mal d’endroits en Dordogne qui sont ravis de nous ouvrir leurs portes et cela donne de belles rencontres. Dernièrement, nous étions au Café Lib de Bourrou où nous avons débattu de la question essentielle du pouvoir de la littérature. Je me sens investie d’une mission quand je fais le lien entre les réseaux internationaux et des lieux culturels locaux. En fait, on joue un rôle d’intermédiaire pour aider ces réseaux à aller là où ils ne le pourraient pas sans nous et des librairies, cafés, associations qui n’auraient sans doute pas accès à l’Institut du monde arabe, l’Institut français de Jérusalem ou encore l’Agence Karkadé de Marseille pour ne citer qu’eux.
Le festival que vous dirigez est donc appelé à se déployer toujours plus en ruralité ?
C’est déjà le cas grâce à notre programme d’éducation artistique et culturel Sharik qui nous permet de mener des actions toute l’année dans des endroits qui ont une appétence pour les questions ayant trait aux pays de la Méditerranée. C’est vraiment ce qui me plait dans cette association et ce festival, qui reste un ovni dans le paysage culturel et pas seulement en Dordogne. Ôrizons se veut une fenêtre sur le monde et il est ouvert à tous. Fondé sur l’écoute et le dialogue, il permet de dépasser les clivages identitaires qui gangrènent nos sociétés aujourd’hui. C’est un festival qui permet la diffusion de la culture en local et qui pense global. À ce titre, la prochaine édition sera un grand cru.