Accueil BIEN aimé Des polars au féminin qui décoiffent

Des polars au féminin qui décoiffent

© RLP - E.L.
MULTI-TALENTS. Spécialiste de la littérature féminine des XIXe et XXe siècles, Nelly Sanchez manie aussi bien le scalpel que la plume en tant que collagiste plasticienne et autrice de polars... bien ancrés au XXIe siècle et dans le Périgord. Nous retrouvons ici une partie de l'interview radio diffusée sur RLP.

• Enseignante, artiste, romancière, comment êtes-vous engagée dans ces différentes voies et n’y a-t-il pas le risque, dans l’exercice de tous ces métiers, que l’un prenne le pas sur l’autre ?

Nelly Sanchez : Alors oui, effectivement, le risque est que l’un prenne le pas sur l’autre, mais en vérité, toutes ces casquettes dialoguent entre elles, et sont complémentaires. En tant que professeure, j’aime faire découvrir des choses nouvelles à mes élèves, à mes étudiants, et comme je suis professeure de français et de littérature, c’est vrai que la littérature est mon fond de commerce.

Donc, à force de lire, j’ai eu envie d’écrire, et en écrivant, ça me permet de mieux expliquer à mes élèves, à mes étudiants, ce qui se passe quand un écrivain se met devant la page blanche. J’ai l’impression que c’est plus facile pour faire passer les notions, pour faire circuler la culture, la littérature. Après, le collage est venu de l’envie de jouer avec les images, avec les archétypes, qu’on retrouve aussi en littérature.

© Nelly Sanchez – Les livres de l’îlot

Et je trouvais que ce travail sur l’image était complémentaire de celui sur les mots. Et puis, il y a aussi cette idée de fragments. Je continue mes recherches universitaires, donc je mène des enquêtes pour redécouvrir des textes, pour redécouvrir des femmes de lettres, des noms oubliés.

Et ce goût de l’enquête m’a donné envie d’écrire des enquêtes policières, avec, bien sûr, des meurtres fictifs tout en m’inscrivant dans le territoire du Périgord. Et ce jeu de piste, c’est aussi celui qu’on retrouve dans l’écriture. Je fais des collages, puisque j’assemble des fragments pour donner une image nouvelle de la réalité.

• Votre parcours de vie se retrouve-t-il dans vos trois polars, publiés aux éditions Les Livres de l’Îlot ?

© Nelly Sanchez – Les livres de l’îlot

Oui, tout à fait. Une infirmière dans le jardin (2021) se passe à Périgueux, où je suis née, et plus précisément au quartier du Gour de l’Arche. Dans le second, Un cadavre dans le cellier (2022), j’inscris l’action à Terrasson, dans une classe de troisième d’un collège imaginaire… alors que j’enseigne au collège de cette ville depuis mon retour en Périgord, en 2018, après des années d’enseignement dans l’académie de Montpellier et à l’étranger. Mais, bien sûr, toute ressemblance avec des personnes existantes serait purement fortuite. Pigeons à l’oseille (2024), à Saint-Laurent-sur-Manoire, où j’habite. Il y a aussi une partie de l’intrigue qui se passe à Bassillac, où j’ai grandi, et en Suisse où j’aimerais aller.

Sur chacune des couvertures, on retrouve autant d’indices de l’intrigue sous forme de collages, qui s’inscrivent dans la lignée des surréalistes. C’est au spectateur de s’en emparer, de construire son histoire, et de découvrir un peu ce que j’ai voulu dire ou de me faire découvrir un sens auquel je n’avais pas pensé.

• La femme reste votre sujet de prédilection dans vos romans : quels est leur rapport avec la réalité ?

© Nelly Sanchez – Les livres de l’îlot

Pour l’instant, je dis bien pour l’instant, mes polars mettent en scène des femmes aux prises avec des situations face auxquelles elles doivent faire des choix, prendre des décisions. Et je dirais qu’autant dans les deux premiers, elles prennent les bonnes décisions, autant dans le troisième, Pigeon à l’oseille, l’héroïne passe à côté de la situation…

Parce que je me suis rendu compte quand même que dans tout ce que l’on voyait, dans tout ce que l’on disait en matière de polars, la situation était toujours à la hauteur de l’enquêteur, de l’enquêtrice. Et je me suis dit que c’était trop facile. Donc, j’ai eu envie de casser ce code et, justement, de mettre une jeune femme face à quelque chose de tellement énorme pour elle que, quelque part, elle prend la fuite. Elle tourne le dos à la situation et elle va se balader en Suisse. Mais quand elle revient en Dordogne, la réalité la rattrape.

Mon quatrième roman est lancé mais je mise sur 2026 pour sa publication parce que j’ai envie de prendre le temps. J’ai l’intention, via une intrigue un peu plus fouillée, de perdre un peu plus mon lecteur.

Propos recueillis par Emma Lassort : interview à retrouver au format long sur Radios Libres en Périgord, en podcast.

Quatre rendez-vous pour rencontrer l’autrice

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– Samedi 24 mai, à partir de 17h, la médiathèque de Trélissac, propose, à l’occasion de l’inauguration de son jardin de lecture, des lectures théâtralisées du roman Un cadavre dans le cellier, avec une sélection de collages.

– Vendredi 13 juin, apéro littéraire à la librairie de Terrasson, Les Mots Sucrés et Salés.

– Les 14 et 15 juin, Livre en fête à Champcevinel.

– Les 18 et 19 juillet, Noir Vézère, salon du polar au Bugue.

Bienséantes

Nelly Sanchez a également contribué à des ouvrages collectifs. Le dernier en date, Bienséantes, a été publié en avril 2025 par une maison bordelaise, Les éditions de l’Apprentie… avec un E parce que ce ne sont que des femmes qui sont aux commandes.

« Il s’agit d’une compilation de principes rassemblés dans les manuels de bonnes manières de la fin du XIXe, début du XXe siècle et, en gros, elles ont compilé le meilleur du pire que l’on imposait aux femmes pour être chic, pour être comme il faut. Être une bonne épouse, bien cuisiner, bien faire la couture, offrir toujours un sourire quand monsieur rentre, parce que monsieur a une journée fatigante et pas nous, bien sûr, c’est bien connu que notre vie est pavée de pétales de roses. Il y a des choses qui sont étrangement d’actualité et ça donne à réfléchir… »