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Des phares dans les Tempêtes

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DEMAIN. Recréer du lien social s'impose comme une nécessité pour faire face aux crises actuelles et futures. Et si l'entraide n'arrive pas avec le cœur, alors elle passera par la raison... Dans le sillage de Pablo Servigne, venu fin octobre à Périgueux pour une conférence, des citoyens se retrouvent pour croiser et consolider des dynamiques déjà à l'œuvre en Périgord.

C’est un de ces soirs d’automne sombres et pluvieux où il serait doux de rester ronronner chez soi. Et pourtant, les visiteurs arrivent en ordres dispersés par la petite route qui s’échappe d’un grand virage entre Les Eyzies et Campagne, et grimpent le sentier qui conduit à la Miellerie des Copeaux Cabana investie par l’association Banzaï, qui accueille les participants à cette réunion faisant suite à la conférence de Pablo Servigne proposée par la Maif, le 21 octobre, au centre départemental Joséphine-Baker, à Périgueux. Ce qu’y a dit le théoricien de l’effondrement devant une salle comble, les échanges produits sur ce thème de « l’entraide en temps de crise, une nécessité » ont conduit Katia Kanas à proposer de prolonger la réflexion et à s’engager concrètement avec un « Et maintenant, qu’est-ce qu’on fait en Dordogne ? », question lancée auprès des fidèles du café philo écolo qu’elle anime au Bugue et de l’immense réseau associatif et alternatif qui irrigue les environs.

Et au-delà du Périgord noir puisque, ce soir de mauvais temps avant les Tempêtes, des visiteurs de Couze-et-Saint-Front, Beaumontois en Périgord ou Périgueux avaient répondu à l’appel. Une trentaine de personnes attachées à ce vœu « d’aller plus loin, de renforcer, consolider, élargir nos dynamiques de liens sur le territoire de la Dordogne, d’imaginer ensemble ce qu’il y a à faire pour passer de collectif à communauté ». Nous sommes accueillis par Charline Charmette (Banzaï) dans cette maison élevée dans un esprit d’ouverture. Katia et elle vont mener les présentations.

Reliés au vivant

Cette première réunion avait vocation à faire connaissance, à partager des initiatives allant dans ce sens, « au-delà de nos cercles et territoires habituels », à débriefer les propos de Pablo Servigne, imaginer les suites à donner en les articulant avec les projets déjà engagés, à envisager de nouvelles initiatives comme des ateliers du Travail qui Relie ou  une participation aux travaux du Réseau des Tempêtes.

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Cette assemblée nocturne, chaudement installée à l’étage de la Miellerie, à l’orée de la forêt, souliers déposés à l’entrée, souhaitait donc essayer de répondre à cette question : comment aller plus loin ? Tous sont déjà activement investis dans des initiatives, des réseaux et associations qui structurent un mouvement de fond invisible aux yeux de ceux qui continuent à vivre et consommer « comme si », mais forment une population qui compte pour beaucoup dans les nouvelles solidarités dans ce département. Ils sont néo-Périgourdins ou résolument ruraux, de tous âges et de tous horizons. Ils présentent un à un d’où ils parlent, ce qui les porte.

Réseau de réseaux

Banzaï tout d’abord, laboratoire de transformation et de transmission sociale, culturelle, alimentaire, éducative… autant d’ambitions collectives, coordonnées par Charline. L’un des prochains rendez-vous concerne la construction communautaire, le 29 novembre, trois jours avec des formateurs venus de République Tchèque. Sont aussi présents des forces vives de Milestel, groupe de chant polyphonique pour accompagner des funérailles ; d’Adaptation radicale (entraide face au réchauffement climatique) ; un collectif transition Périgord noir œuvre aussi bien sur la forêt ou l’eau que le cinéma dans un esprit d’éducation populaire ; Écolòme festival, Au coin des scieurs, le Sillon ; le groupement d’achat service épicerie de Saint-Cyprien (Gase) ; les Cygnes givrées qui se baignent dans la Dordogne toute l’année ; Compost’ère (Sarlat) agit pour la collecte de restes alimentaires et une plateforme de compostage, avec pédagogie ; le groupement forestier citoyen et écologique Les Boiseaux (Périgord noir) lutte contre les coupes rases en acquérant des parcelles de forêt ; LaMaison24 ; Agenda24 ; la Frontale ; l’Archipel, petit collectif de voisins (Audrix-Saint-Chamassy) pour partager outils, denrées, transport… ; ça biche (bal des bois, savoirs anciens…) ; chorale féministe Soror et celle de la Miellerie ; l’écolieu oasis émergent au Buisson-de-Cadouin ; Alix ô Pays des merveilles aux Eyzies (spectacle vivant sur mesure) ; café papote ; La vache qui crie (ateliers à la Miellerie)…

Chemins croisés

Charline, à cloche-pied, et Katia (assise à côté) animent la réunion © SBT

Présentations faites et éventail de pensées ”pépites” prélevées lors de la conférence de Pablo Servigne, un “mode d’emploi” de la soirée permettra de ne pas se répéter ou s’interrompre. Et pour assurer la concision des propos, quoi de mieux qu’une intervention debout sur un pied ?

Tels des rhizomes à l’œuvre dans le sol périgourdin, qui se croisent et se nourrissent au contact les uns des autres, ces réseaux du vivre ensemble autrement cherchent à toujours mieux cultiver l’entraide. Katia cite Pablo Servigne pour donner la direction, sur fond de processus d’effondrement : « arriver à tisser des liens si forts entre nous, avec les humains et les non humains, que ces liens restent, même quand l’électricité disparaît, l’État disparaît, l’espoir disparaît. Les liens que nous avons actuellement à travers nos collectifs et associations sont trop faibles, il faut transformer nos collectifs en “communauté” ». 

Se retrouver avec “âme” et bagages

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Les post-it remplis par chacun en arrivant et collés en repère sur une carte de la Dordogne donnent un aperçu des lieux de vie, ce qui permet de constituer trois groupes en proximité géographique. Une réunion rapide de chacun d’eux a d’abord vocation à trouver une adresse et un jour pour se retrouver et approfondir ce qui nous unit. Le premier groupe se promet d’avoir lu Le réseau des tempêtes, manifeste pour une entraide populaire avant de se retrouver à la Miellerie autour d’une soupe collective pour parler de méthodologie. Le deuxième, en auberge espagnole chez l’un d’eux à Saint-Chamassy, souhaite se redire ce qui importe et pourquoi chacun se trouve là. Le troisième groupe convient d’un dimanche à la cantine du marché de Rouffignac.

Préparer les Tempêtes

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En évoquant ce qui a déjà été mis en place pour préparer “les Tempêtes” et ce qui pourra encore l’être pratiquement, qu’il s’agisse d’indépendance énergétique et alimentaire ou de liens humains, de compétences et savoir-faire, de matériels mis en commun pour une transformation en profondeur, les participants choisissent de se retrouver le mois prochain pour répondre plus clairement ensemble à la question « et maintenant, qu’est ce qu’on fait en Dordogne ? ». D’ici là, les groupes locaux se seront réunis pour identifier des axes de réflexion et des besoins.

Il est encore temps de prendre ce train de l’avenir en y apportant ce qu’on a envie d’y trouver, pour le partager. La prochaine réunion est prévue le 4 décembre à 18h30 à La Miellerie. Le sésame ? Avoir participé à la conférence de Pablo Servigne à Périgueux ou s’être nourri de ses ouvrages et conférences vidéo (pas d’interro écrite à l’arrivée, juste le besoin de se savoir portés par les mêmes préoccupations).